FEUILLETON LITTÉRAIRE
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FEUILLETON LITTÉRAIRE

RAFIK BEN SALAH
L'Œil du frère, L'Âge d'Homme, 2001.

 

Les mots de Ben Salah

À la différence d'autres jurys (celui du Prix Dentan, par exemple), les choix du Lipp semblent toujours bien avisés. Qu'on en juge plutôt : Benoziglio en 1998, Claude Frochaux en 1997, Gilbert Salem en 1996, Armen Godel en 1995, etc. À chaque fois, ce n'est pas seulement un livre qui est primé, mais un véritable écrivain.

La preuve en est le deuxième recueil de nouvelles de Rafik Ben Salah, L'Œil du frère. Son premier recueil, Le Harem en péril, avait obtenu le Prix Lipp il y a deux ans. À travers une suite de textes âpres et cruels, Ben Salah, écrivain d'origine tunisienne établi à Moudon, nous ramenait sur les lieux de son enfance – c'est-à-dire en terres de légende. Avec un talent de conteur consommé, une maîtrise exigeante de la langue, un sens aussi du quiproquo et des scènes comiques, il reconstituait tantôt la vie d'un village en proie à la rumeur, tantôt un drame de la jalousie, tantôt l'accès de folie d'une bonne qui sacrifie l'enfant de ses patrons. Un subtil réseau de thèmes et de correspondances soudait entre elles les nouvelles du recueil, en faisant du Harem un véritable tableau de mœurs de la société tunisienne d'aujourd'hui.

On retrouve ces thèmes, abordés différemment et amplifiés, dans L'Œil du frère. Qu'il s'agisse du conflit entre modernité et tradition (qui est la vraie problématique de l'islam aujourd'hui), des rapports entre les hommes et les femmes (ou les frères et les sœurs), Ben Salah dissèque avec jubilation les petites joies et les travers de ses (ex)compatriotes. Chacun(e) essaie de s'affranchir comme il peut des contraintes de sa vie, tantôt par la révolte, la transgression, la fuite dans le mercantilisme. Mais peut-on échapper au regard du Puissant (qu'il se nomme Allah ou le Gouvernant) ? Et quel œil nous surveille en permanence ?

Par leur extraordinaire modernité, leur inventivité jubilatoire (qui intègre si bien la langue orale à l'écriture), leur ironie mordante, les nouvelles de Ben Salah nous permettent de mieux comprendre ce qui se trame autour de nous. Et les guerres inutiles dans lesquelles nos Gouvernants aveugles essaient à tout prix de nous entraîner.

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RAFIK BEN SALAH
Le Harem en péril, nouvelles, L'Âge d'Homme, 1999.

 

Rafik Ben Salah, Prix Lipp 1999

La nouvelle – si prisée dans les pays anglo-saxons – n'a pas bonne presse dans nos contrées. Rares sont les éditeurs, en effet, qui misent sur ce genre exigeant, lequel demande acuité du regard et concision, force expressive et sens de l'ellipse. Quel talent, toutefois, dans les proses courtes de Rafik Ben Salah et de Bernadette Richard, qui, tous les deux, sont allés puiser en Afrique du nord leur inspiration !

Né en Tunisie, où il fait ses études primaires et secondaire, Rafik Ben Salah obtient une licence de Lettres à Paris, puis se lance dans le journalisme. Aujourd'hui, il enseigne le français et l'histoire dans un gymnase vaudois.

L'Afrique du nord est omniprésente dans les dix nouvelles qu'il a rassemblées sous le titre Le Harem en péril. Une Afrique écrasée de soleil et déchirée, bientôt, entre son attachement aux traditions séculaires et la modernité qui gagne chaque jour du terrain. C'est, par exemple, le fils Nawas qui revient au village, auréolé de son diplôme de dentiste obtenu chez les Roumis, venant faire concurrence au vieux coiffeur Fartas " qui était à la fois barbier de père en fils, dentiste à tenailles émérite et chirurgien-tailleur de prépuces ". Le face à face entre la science moderne et l'antique savoir-faire tourne vite à l'aigre, attisé par une mauvaise rumeur (le docte dentiste fricote avec ses patientes) et se termine comme une nouvelle de Paul Bowles : avec son rasoir, le vieux barbier coupe la main du jeune blanc-bec.

Des fables tragi-comiques

Ailleurs, c'est un chameau qui se venge de son maître en fonçant tête baissée contre une meule – c'est-à-dire en se suicidant. Plus loin, c'est une jeune servante, Ouarda, qui aime à danser " avec des casseroles autour de la taille ". Sa douce folie est acceptée au nom de principes supérieurs, car il faut " laisser vivre la différence ". Le drame, pourtant, c'est qu'elle déposera un jour " dans du papier d'aluminium bien ficelé " le nouveau-né qu'elle avait charge de garder, et qu'elle fera rôtir ! Plus loin encore, c'est le dilemme du pauvre diable El Hadi qui ne peut sacrifier l'agneau rituel, faute d'argent, et choisit, la mort dans l'âme, de renoncer à son taxi, pour faire ce plaisir à son fils…

À travers ses nouvelles, Ben Salah nous restitue une Afrique pleine de bruits et de rumeurs, de parfums singuliers, de saveurs sans pareilles. Sa langue est celle d'un conteur qui prend souvent le lecteur à partie, ou la petite communauté d'un village, ou Allah lui-même. Son style épique, toujours marqué par l'étroite distance de l'humour, tout de surprise et de truculence, rappelle l'Albert Cohen des Valeureux ou de Mangeclous. Ce qui n'est pas peu dire.

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