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NICOLAS
BOUVIER
Histoire d'une image, Zoé, 2001.
Les
images de Bouvier
Pendant
des années, de 1992 à 1997 précisément,
Nicolas Bouvier a collaboré au magazine Le Temps stratégique
(lâché par Edipresse il y a quelques mois). Il
en était l'indispensable iconographe et tenait, à
la fin de chaque numéro, une rubrique intitulée
" L'image de
". C'était à chaque
fois un bijou finement ciselé. Nicolas y démontrait
non seulement son grand talent d'écrivain, son érudition,
mais aussi sa véritable passion pour les images, dans
la droite ligne d'un Baudelaire. Ces petits textes viennent
d'être rassemblés et publiés par les Editions
Zoé sous le titre Histoires d'une image. Ils ne
sont pas inédits, mais leur qualité, leur fraîcheur,
leur éclat, exigeaient qu'ils soient publiés tous
ensemble. Cela donne un petit livre extraordinairement savoureux
et savant qu'il faut se procurer de toute urgence.
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NICOLAS
BOUVIER
Le Corps, miroir du Monde, Editions Zoé,
2000.
On
sait que Nicolas Bouvier, grand voyageur devant l'Eternel et
chroniqueur hors pair, se considérait moins comme un
écrivain-voyageur que comme un chercheur d'images. Son
vrai travail, sa longue passion fut de courir le monde en quête
d'images singulières, obsessionnelles ou insolites. Pour
la première fois, ces images sont réunies, et
même doublement : dans une exposition (qui se tient à
la fondation Verdan à Lausanne, jusqu'au 21 février
2201) et dans un livre, magnifique, qui vient de paraître
aux Editions Zoé. Impossible, bien sûr, de reproduire
les milliers d'images débusquées par Nicolas.
Un choix nous est donné, ici, des images les plus saisissantes,
centrées sur le thème du corps. C'est tantôt
la vision orientale d'un corps laminé d'inscriptions
magiques, tantôt le corps occidental réduit à
sa dernière expression : le squelette. Tantôt le
corps souffrant, torturé, martyrisé qu'on fait
sortir de lui-même, tantôt le corps glorieux qui
rejoint l'éternel, dans le christianisme, par son humanité.
Tantôt le corps réseau, dont les organes sont le
modèle de toute communication, tantôt le corps
malade ou fragmenté. Grâce à ce double événement
(l'exposition et le livre) on remarque que toute l'uvre
de Bouvier est une interrogation obstinée sur le corps
et ses pouvoirs.
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NICOLAS
BOUVIER
Une orchidée qu'on appela vanille et
La chambre rouge, Metropolis, 1998.
Les
orchidées de Nicolas
En
février dernier, Nicolas Bouvier quittait tous ses amis
pour un nouveau voyage, hélas sans retour. Les Éditions
Metropolis, son ultime éditeur, redonnent à lire,
ces jours-ci, des textes rares de Nicolas, dont une longue rêverie
sur la vanille et La chambre rouge, un petit texte autobiographique
dans lequel l'écrivain-voyageur décrit son atelier
de travail.
Magnifiquement
édité, enrichi de nombreuses illustrations couleur
et noir-blanc, cette histoire de la vanille est une curiosité.
Non seulement par son sujet, en apparence si éloigné
des préoccupations d'un nomade comme Bouvier (de surcroît
" cancre en botanique "), mais aussi par les
circonstances de sa composition. Car cet ouvrage, qui est resté
inédit à ce jour, est une commande d'un chocolatier
suisse-allemand, qui refusa même de payer son auteur,
traitant son texte de " mal de dents " (des
extraits de la correspondance avec le confiseur figurent à
la fin du livre, ce qui n'est pas le moins intéressant
de l'affaire).
Longtemps
resté dans un tiroir, ce texte fut repris par Nicolas
dans le courant de l'année 1997, puis enrichi d'une longue
introduction, intitulée Petite histoire de la vanille
et quelques réflexions d'un cancre amoureux des plantes.
On y retrouve un Bouvier au meilleur de sa forme, à l'écriture
d'une concrétion presque charnelle, à l'érudition
subtile, à l'humour sans cesse à fleur de texte.
Pour écrire ce petit roman de la vanille, Bouvier s'est
inspiré, imprégné même, en profondeur,
du magnifique récit de Georges Limbour (Les vanilliers)
qui a servi, ici, de fil d'Ariane. Précédé
du facsimile des plans du livre, cette Orchidée qu'on
appela vanille est une réussite autant littéraire
qu'esthétique.
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NICOLAS
BOUVIER
Hommage paru dans la Tribune de Genève,
février
1997.
So
long, Nicolas !
Trop
d'images et trop d'émotion, de souvenirs aussi, glanés
au fil de ces rencontres qui furent autant de fêtes !
Que
ce soit dans son atelier, perché au sommet d'une tour
et encombré de livres et de photographies, sur les terrasses
des bistrots de Carouge qu'il fréquentait assidûment,
ou au collège de Saussure, il y a six mois encore, quand
il vint rencontrer des élèves qui avaient adoré
ses livres, et qui furent ébahis par sa liberté
et son humour, son expérience de loup-de-terre, ses récits
homériques, son charisme.
Il
y avait chez Bouvier une vraie passion de l'autre, de
l'étranger, de l'inconnu, de l'inouï, du merveilleux
qui prend souvent les apparences de la plus grande banalité.
Car cet homme qui adorait parler (il avait des rapports étranges
avec sa langue, à la fois de douleur et d'extrême
sensualité), cet homme était toujours en quête
d'un secret à déchiffrer sous l'écorce
des choses ou le cur nu de ses semblables.
*
Comme
Cingria ou Cendrars, Nicolas Bouvier fut de ces écrivains
qui ne tiennent pas en place, que ce pays étouffe et
qui ne rêvent que d'évasion : toujours ailleurs,
le nez dans les étoiles, le regard aspiré par
l'Orient lieu mythique de l'Origine, mais carrefour,
aussi, de toutes les déroutes.
Pourtant,
à la différence de ses maîtres, Bouvier
partait pour mieux revenir, et c'est ici, à chaque fois,
dans la maison familiale de Cologny, parmi les siens, qu'il
reprenait ses notes et ses carnets de route, inlassablement,
avec obstination, pour en extraire, par la magie de l'écriture,
un tout autre voyage que le périple effectué
sur le terrain : un voyage second qui réinventait le
premier, l'éclairait d'une autre lumière, souvent
violente, et lui faisait rendre gorge.
*
Il
a écrit des livres inestimables, qui sont sans doute
ce que ce petit coin de terre a produit de plus beau, tout à
la fois récits initiatiques et élégies,
histoires d'épouvante et traités de sagesse, journal
de bord et conte de fées. Mais ces livres, malgré
l'extraordinaire don poétique de Bouvier, ne se
sont pas écrits tout seuls. La plupart ont nécessité
des années de labeur (plus de seize ans pour le Poisson-scorpion).
Car à chaque fois, il s'agissait pour lui d'un exorcisme
: par la magie blanche des mots, le travail incessant de la
main qui voyage sur la feuille de papier (son écriture
était " sismographique "), à la manière
des vieux maîtres japonais, il essayait de conjurer la
magie noire de l'existence.
Cette
(double) magie, on la retrouve bien sûr dans Le poisson-scorpion
(1980) qui est peut-être le plus beau de ses livres, le
plus désespéré, mais également le
plus vivant, " bourré comme un pétard
d'humour, de sagesse et d'espoir. " Mais on la trouve
déjà dans L'Usage du monde (1963), ce récit
d'un périple jusqu'aux Indes avec son presque frère,
le peintre Thierry Vernet, devenu " livre-culte "
pour toute une génération d'aventuriers, ou encore
dans le magnifique et âpre Journal d'Aran (1990),
qui marque la fascination de Bouvier pour les îles au
climat rude ou désolé (Ceylan, Japon, Irlande).
*
"
Il y a plus lent que Nicolas Bouvier et les frères
Polo, écrivait Gilles Lapouge dans La Quinzaine
littéraire. Il y a les as de la critique française
qui ont réfléchi trente années avant de
découvrir que ce Suisse en balade est l'un des grands
écrivains de ce temps. "
Pour
ce génial voyageur de la langue, la reconnaissance est
arrivée bien tard. Paris a été longtemps
sourd aux charmes de cette écriture qui sait mêler
si bien le savoir des pays et des hommes aux saveurs
singulières de l'expérience des sens. Mais qu'importe
! Dans ce silence injuste, Bouvier a rejoint Cingria, son vieux
complice, et même Ramuz, que la France ignora trop longtemps.
On peut se trouver en moins bonne compagnie.
*
C'est
avant-hier, à la veille de son anniversaire (il aurait
eu 69 ans le 6 mars), que Nicolas Bouvier est reparti, pour
un autre voyage encore, le nez dans les étoiles, comme
toujours, et le regard rivé au-dessus du Salève,
vers cet Orient qui l'aura tant fasciné.
Il
est parti " dans la sérénité
", comme l'a confié son épouse Éliane,
après une maladie contre laquelle il se battait depuis
longtemps, avec ses armes inimitables (la ténacité,
la distance ironique), et qui finalement a eu le dernier mot.
Mais
nul doute que là-bas, de l'autre côté du
monde, il continuera à écrire.
So
long, Nicolas, and take care !
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NICOLAS
BOUVIER
Le
poisson-scorpion, Folio et L'Échappée
belle, Métropolis, 1996.
L'année
Bouvier
" Il y a plus
lents que Nicolas Bouvier et que les frères Polo, écrivait
Gilles Lapouge. Il y a les as de la critique littéraire
française qui ont réfléchi trente années
avant de découvrir que ce Suisse en balade est l'un des
plus grands écrivains de son temps. " Cette vérité,
qu'on oublie si souvent, n'aura jamais sans doute été
aussi vivante que cette année, qui voit la parution,
ou la réédition, de plusieurs textes de Bouvier,
ou d'ouvrages consacrés à son uvre.
Reprenons : il
aura fallu près de quatorze ans pour que Gallimard se
décide à reprendre ce texte fondamental (et épuisé
depuis longtemps) qui s'appelle Le poisson-scorpion, terrible
exploration des puissances maléfiques de Ceylan, aux
confins du rêve et de la folie, et qui demeure le livre-phare
de Bouvier. Heureusement, ce texte est enfin disponible, en
édition de poche, et chacun, désormais, peut s'y
replonger à son aise et à ses risques et
périls, tant ce livre, malgré le temps qui passe,
a conservé intacte toute sa force sulfureuse et son poison
magique.
En même temps
que ce récit paraît aux Éditions Métropolis
L'Échappée belle, éloge de quelques
pérégrins, un recueil de textes consacrés
aux grands Suisses vagabonds, tous atteints, comme Bouvier,
de ce qu'il nomme joliment la " claustrophobia alpina
", tels Thomas Platter, Paracelse ou Rousseau. Ce recueil
fera date, non seulement parce qu'il s'engage avec ferveur contre
l'idée reçue que la littérature romande
(et plus encore : le littérature genevoise) est uniquement
introspective, contrite et refermée sur elle-même,
mais aussi par le texte qui ouvre le recueil, intitulé
Éloge de la Suisse nomade, qui est une sorte de
manifeste pour une Suisse accueillante, à la fois, et
vagabonde, n'hésitant pas à se frotter au monde
pour aller de l'avant.
Des textes pénétrants
sur Gobineau, Ramuz, Henri Michaux, complètent ce recueil,
qui rend hommage, également, aux amis disparus de Bouvier
(comme Lorenzo Pestelli et Louis Gaulis) et aux grands compagnons
de route que sont Vahé Godel, Ella Maillard ou Kenneth
White.
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