FEUILLETON LITTÉRAIRE
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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004

FEUILLETON LITTÉRAIRE

GILBERT SALEM
Le puzzle amoureux, Bernard Campiche, 2000.

 

L'ami Salem

Pour son troisième ouvrage chez Bernard Campiche, Le Puzzle amoureux, Gilbert Salem rassemble autour de lui tous les amis, proches ou lointains, qui l'aident (ou l'ont aidé) à traverser les périodes sombres de sa vie. Au fil des pages, sous la forme d'une mosaïque de portraits tantôt affectueux et tantôt saisissants de poésie, il égrène donc ses figures tutélaires. Visages glanés au fil des jours et des rencontres, amitiés surgies dans l'enfance, figures jamais austères, mais bienveillantes de saints (tel François d'Assise), de maîtres (Mercanton, Chessex) ou de patrons qui ont veillé, sans le savoir, sur sa vie. On retrouve dans ce livre les saveurs de l'Orient perdu (Salem a passé son enfance en Iran), les mille et un détours d'un pèlerin moderne toujours en quête de soi, mais à travers les personnages qu'il rencontre, tous singuliers et parfois ordinaires, et tous porteurs d'une étincelle qui éclaire le chemin. Qu'il évoque la figure (double) d'un vieux sage, les enfants de son ami Pascal-Arthur Gonet qu'il a adoptés ou encore les compagnons de ses rôderies lausannoises, Salem, une fois de plus, a le mot juste et tendre, en nous livrant une sorte d'" autobiographie en creux ", miroir brisé de tous ces autres qui le composent.

 

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GILBERT SALEM
À la place du mort, récit, Bernard Campiche, 1996.

 

Étrange jeu de miroirs auquel se livre Gilbert Salem dans son dernier récit, À la place du mort, dédié au journaliste Pascal-Arthur Gonet, mort du sida il y a quatre ans. Étrange et fascinant d'abord parce que le livre de Salem est éloge de l'autre, l'ami, le compagnon de route, le frère qui vous quitte brusquement, au milieu du chemin, et dont l'auteur essaie de conjurer le deuil par l'écriture. Étrange aussi parce que Salem, au fil de l'évocation passionnée de son alter ego, est pris dans la fascination de son objet au point, irrésistiblement, de devenir cet autre qu'il portraiture, et de se mettre, comme le dit justement le titre de son livre, à la place du mort.

Prière incandescente

Ici, comme dans les grands livres, tout commence par un secret, à la fois mortifère et injuste : le narrateur apprend la maladie de son ami, et se voit assigné au silence : pas question, lui intime son ami, de confier son secret à quelqu'un, même aux proches de la famille. Dès lors, le narrateur est pris entre deux feux : la mort qui ronge lentement son ami (qu'il est le seul à déchiffrer) et ce nœud de silence, qui le brûle à la manière d'un poison.

Alors, pour rendre hommage à son ami et, surtout, se rendre digne du secret qu'il lui confié, Salem va tracer sa figure : une figure extraordinairement vivante et colorée, avec ses amours, ses outrances, son bestiaire. Mais bientôt le portrait, d'évocation objective d'un absent, se transforme en prière, car " dans une prière, nul besoin d'un début, d'un développement et d'une fin. Seule compte l'intensité de la foi, la justesse de la voix qui entonne le choral de Bach, la volonté d'élever une musique, et la beauté du regard de l'orant. "

Grâce au secret, Salem comprend alors que son ami lui a permis de pénétrer dans un autre monde, marqué par le sceau d'une mort annoncée, bien sûr, mais aussi riche d'un nouveau destin, " même un destin tout court ", rajoute Salem. Ainsi, par l'épreuve de la mort, du secret qu'on est seul à porter, puis de l'écriture qui transfigure ce secret, Salem découvre une autre vie, qui est l'image inversée de la sienne, mais également un gouffre qui menace de l'engloutir.

Impossible, dans ce jeu de miroir, de savoir qui est qui. Mais c'est sans importance. Seule compte, ici, cette voix solitaire (parce qu'abandonnée et porteuse d'un secret qui l'écrase) qui égrène les fantômes, en célébrant, malgré la mort, la force d'une amitié vraie.

 

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