FEUILLETON LITTÉRAIRE
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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004

 

 

 

FEUILLETON LITTÉRAIRE

JEAN-FRANÇOIS FOURNIER
La Nuit qui tua Juan Don, roman, L'Âge d'Homme, 2002.

 

Une écriture charnelle

Auteur de quatre romans, d'une pièce de théâtre, d'un recueil de poésie et d'une biographie du peintre Egon Schiele (la première en français), Jean-François Fournier est un touche-à-tout de talent, ce qui, dans notre petit pays, est souvent mal considéré. Réparons donc une injustice : avec son dernier roman, La Nuit qui tua Juan Don, cet auteur valaisan né en 1966, qui se décrit comme " un pèlerin des cafés du monde ", frappe un grand coup.

Peu de romans, en Suisse romande, mais aussi dans le domaine français, ont ce souffle à la fois épique et sulfureux, ces visions envoûtantes, cette écriture charnelle et débordant de vie. Car dans les pages de ce dernier roman, la vie éclate à chaque instant, parfois brutale et parfois tendre, toujours imprévisible. Au point de bâtir, pierre après pierre, une sorte de grand poème en prose à la gloire des femmes, toujours insaisissables, et du désir, toujours inassouvi, de l'homme qui cherche à percer leur énigme.

Mais qui est Juan Don, patronyme inversé du grand séducteur espagnol ? Un écrivain génial qui, après une vie de débauches et d'excès, est à l'instant de rendre son dernier souffle. Il lance alors à son ami Francis un défi impossible : rendre une dernière fois hommage à toutes les femmes qu'il a connues et possédées de par le monde. Francis accepte, par amitié et par fascination, comme un double timide, sans cesse en quête de lui-même.

Vertige de l'amour

" Juan dit que j'écris comme le peintre Egon Schiele. Court. Sans méthode. Avec des maladies et une loupe grossissante bien à moi. Une loupe qui dévoile la valse de nos échecs les plus profonds, l'inutilité de toute révolte, le vertige de vivre. " Tout le roman de Jean-François Fournier tourne autour de ce vertige à la fois fascinant et ineffable (comme s'il dissimulait un secret mortel). La longue quête du narrateur qui retrace toutes les conquêtes de son maître et ami le mène sur le chemin d'une libération. Grâce aux femmes qu'il côtoie (dont il décrit les charmes et les pouvoirs avec délectation), Francis découvre non seulement les plaisirs infinis de l'amour, mais surtout le chemin qui va le délivrer de ses fantômes (la mort de son père, par eemple, qu'il cherche à exorciser).

Un mystère profond est lié à la femme : image à saccager et à vénérer en même temps, " hostie ", " enveloppe magique où les mots, l'écriture, le style (de Francis) sont la chair, la sueur, le sang de Juan. " Par elle advient la grâce, la chance aussi d'un possible salut. Comme chez Jacques Chessex, le sexe de la femme – qu'elle habite Genève ou Barcelone, la Toscane ou la Finlande, car on voyage beaucoup dans les romans de Fournier – est ici la clé d'un mystère métaphysique : elle noue et dénoue ce qu'elle aime, elle livre les hommes à l'errance du désir et les délivre, elle les prend aussi sous son aile, quelquefois, puis les jette sans merci.

Ce roman fort et sensuel, d'une écriture serrée, violente, charnelle, tout en rouge et en noir, comme les peintures de Goya, est l'une des plus belles réussites de cette rentrée.

 

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