FEUILLETON LITTÉRAIRE
publi
é dans
: mensuel d'information culturelle
— case 129 — 1211 Genève 4

A
ADLER AESCHLIMANN AMETTE ANDREA AUER
B
BAETIG BARICCO BARILIER BARRAUD BARTHES BATAILLE BAUVERD BEETSCHENBELLOW BEN SALAH BERGÉ BESSONBILLE BIMPAGE BIZUB BORGEAUDBOUCHARD BOULANGERBOURGEADE BOURU BOUVIERBOVARD BRÉCART BRÉHAL
BROUSTEBRUCKNER BUFFAT BUHLERBURRI
C
CAMPICHE CARMEL CASPARI
CHAPPAZ CHARYN CHESSEXCLAVIEN COHENCOLOMBAN I COMMENT COUCHEPIN
D

DÜRRENMATT
FRISCHDAHLEM
DALAIN DANEY DEBRAY DELESSERT DELHOMMEPrix Michel DENTAN DERRIDA DESARZENSDictionnaire de Rousseau DJIAN DONZELOT DUBATH DUNILAC DUPUISDURAS DUTEURTRE DUVAL
E
ÉCHENOZ EICHER
EIGENMANN EUGÈNE
F
FARRON FAZAN FELLOUS FERGUSSON FINKELKRAUT Collection FLEURONFLUCKIGERFONTAINE FOURNIER FRIGERIO FROCHAUX
G

GARCIN GAULIS GENOUX GILLE GODEL GROBÉTY

H

HALDAS HERSCHHistoire de la littérature en Suisse romande HOREM

I
IRVING
J

JACCARD JACCOTTET JALABERT JENNY
K
KELLER
KRAMER
KUFFER KUNDERA KUTTEL
L
LACAN LACLAVETINE LADORLAEDERACH LAINE LAMARCHE LANOVA LAPLACE LAYAZ
LÉVY LODGE
M

MAGGETTI
MARGUIER MÀRQUEZMASSARD MAYER MEIZOZ MERCANTON METROPOLIS MICHON MIGNATTEMOERI MORET MOSERMOULIN
N

NADEAU
NICOLLIERNIMIER NOGUEZ NOVERRAZ
O

OATES ONETTI ORNER ÖZDAMAR

P

PAJAKPASQUALI PASQUET
PERRELET PHILIPPE PIETRIPINCEMIN PIROUÉ PLUME POLLA
Q

QUIGNARD

R

RACINE RAMUZ REBETEZ REVAZ REZA RICHARDRISTAT ROBERTS
ROCHEROLIN ROMAN ROMAIN ROUD ROULET
S

SAFONOFF SALAGNAC SALEM SALLENAVE SANDOZ
SCHRIBER SCHUHL SEMPRUN SOLLERS STEINER STRINDBERG
T
TABUCCHI THURLER
TÖPFFER TORNAY TOURNIERTSCHOKKE
V

VALBERTVERNY VIALA
VIDALING VIGNEVingt-cinq siècles de littératureVOISARD VUILLEMEVUILEUMIER
W

WALZER WIAZEMSKYWEIBEL WIDMER

Z

ZAECHZELLERZGRAGGEN Jean ZIEGLER Wédad Zénié ZIEGLER

CONTACT :
jolivier@worldcom.ch

Dernière mise à jour le 22 juillet 2004

 

FEUILLETON LITTÉRAIRE

YVETTE ZGRAGGEN
La Nuit ne sera jamais complète, L'Aire, 2001.

 

 

Le Journal d'Yvette Z'Graggen

Comme nombre d'écrivains français (Del Castillo, Sollers, Françoise Giroud), Yvette Z'Graggen nous livre son journal de bord de l'an 2000, auquel elle a donné le beau titre, emprunté à un poème d'Eluard, de La Nuit ne sera jamais complète. C'est l'occasion, pour la grande écrivaine genevoise, de réfléchir non seulement sur le temps qui passe, les événements politiques (les élections yougoslaves, les tueries en Palestine, les catastrophes écologiques), mais aussi sur sa propre vie, vie toujours à l'épreuve de l'Histoire. C'est ainsi qu'Yvette Z'Graggen revient sur les fameuses années silencieuses de la drôle de guerre : cette Suisse qui accueille d'un côté, souvent généreusement, ceux qu'elle rejette de l'autre sans pitié. Chaque événement de l'année 2000 résonne toujours intérieurement : c'est l'occasion pour Yvette Z'Graggen de s'interroger sur son œuvre, les rencontres fugitives de sa vie, les rapports familiaux, en particulier avec sa fille et son petit-fils, les ennuis de santé qui la privent peu à peu de cette liberté de mouvement à laquelle elle tient tant. Mais si le corps s'engourdit lentement, la liberté de pensée et d'écriture est toujours souveraine.

 

RETOUR HAUT DE PAGE

 

YVETTE ZGRAGGEN
Mémoire d’elles, L’Aire, 1999.

 

Mémoire brûlée

Toute l’œuvre d’Yvette Z’Graggen, qui trouve un grand écho en Suisse romande, est un questionnement minutieux du passé. Passé commun dans Un Temps de colère et d’amour (1980) ou Changer l’oubli (1989), quand l’écrivaine genevoise se penche sur le silence des sombres années de guerre. Mémoire individuelle quand elle cherche à revisiter, pour mieux en comprendre les secrets, le passé de sa propre famille.

C’est bien de cela qu’il s’agit dans Mémoire d’elles, son dernier livre. Tout commence ici par deux lettres exhumées du silence, et datées de 1915 et 1916, dans lesquelles Jeanne, la grand-mère maternelle, écrit à sa fille Lisi (la propre mère d’Yvette Z’Graggen). Lettres exaltées, bouleversantes, pathétiques, qui disent à la fois le malaise de vivre et la souffrance d’aimer.

Lisant et relisant ces lettres, les seules sauvées d’une correspondance perdue, Yvette Z’Graggen va se glisser peu à peu dans le corps de Jeanne pour comprendre son tourment : la maladie inexorable (et encore sans nom) qui l’éloigne des siens, la rend étrangère à elle-même.

La déchirure

Bien vite, le drame se dessine : c’est celui d’une fille " née trop tôt dans une société rigide, corsetée de conventions et d’interdits ". Son destin est tracé : il ressemble au destin de toutes les femmes de cette époque : le mariage avec un homme ayant une bonne situation, les enfants à élever, les tâches ménagères. Mais Jeanne rêve d’autre chose : du grand amour d’abord, " un don total, un partage sans réserve ", de voyages, de liberté. Le plus étrange sans doute (mais il n’y a pas ici de hasard), c’est qu’elle rencontre cet amour dans la personne d’un dentiste viennois, jeune et séduisant, qu’elle va aimer jusqu’à la déchirure.

Élevée dans la peur, entre un père violent et une mère effacée, Jeanne va bientôt donner naissance à une petite fille, Lisi, qui bouleverse son existence. Une nouvelle terreur l’habite, peuple ses nuits de cauchemars, l’empêche de s’occuper comme elle le désirerait de son enfant. Comme elle s’éloigne de cette petite fille qu’elle chérit, elle s’enferme lentement dans le silence, devient méconnaissable, est internée à plusieurs reprises. C’est cette folie à jamais mystérieuse dont Yvette Z’Graggen essaie de démêler les fils, en renouant, comme elle le dit, avec sa mère et sa grand-mère. C’est-à-dire avec une part mystérieuse d’elle-même.

RETOUR HAUT DE PAGE