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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004

 

 

 

FEUILLETON LITTÉRAIRE

MYRIAM DONZELOT
Le Second souffle, L'Harmattan, 2000.

 

Écrire comme on boxe

Pour ceux qui suivent régulièrement la production littéraire de Suisse romande, Myriam Donzelot n'est pas une inconnue. Après des études de linguistique et de psychologie à Genève, cette jeune femme a publié deux livres au titre énigmatique, Libenter (1991) et Quatuor encordé (1993) aux Editions Eliane Vernay. Ayant décidé de faire le grand saut, c'est-à-dire de tenter sa chance à Paris, elle publie aujourd'hui Le Second souffle, un récit haletant et nerveux, qui tourne tout entier autour de la boxe, aux Editions de l'Harmattan.

Experte en récits inclassables (ses deux premiers textes sont à la frontière du récit, de la poésie et du roman), Myriam Donzelot n'avait pourtant aucune attirance particulière pour la boxe : il a suffi qu'un soir, à la télévision, elle assiste à un combat de lourds-légers, titre mondial en jeu, pour qu'un déclic se fasse en elle – écho lointain, sans doute, d'un souvenir d'enfance – et qu'elle se lance, à bras-le-corps, dans un récit musclé, plein de sueur et de sang, qui met en scène la boxe comme une métaphore de la vie.

Un trio amoureux

Si, dans un premier temps, elle a lu tout ce qu'elle a trouvé sur la boxe (dont le fameux livre de Joyce Carol Oates, De la boxe*), elle n'a pas tardé à se lancer dans l'écriture d'un texte qui, selon ses propres mots, s'est écrit de lui-même, d'une seule traite, au cours de l'été 1999. Et l'on sent cet élan vigoureux, comme le signe d'une vraie nécessité, dans les pages du Second Souffle.

De quoi s'agit-il ? Des existences croisées de trois personnages que rien, au demeurant, ne prédispose à se rencontrer un jour. Il y a d'abord Akim, le boxeur mutique et gardien de nuit ; il y a ensuite sa mère, au nom explosif de Shaadiah Boum, une femme originaire de Marrakech et qui joue les danseuses orientales dans des cabarets minables ; il y a enfin Oliva, une jeune femme amoureuse d'Akim, qui cherche dans l'amour un mélange de sensualité et de douleur, de larmes et de consolation.

Au fil de pages extrêmement nerveuses, alternant la description de combats sans pitié et la préparation, tant psychique que physique, du combat à venir, Myriam Donzelot tisse ensemble les voix de son improbable trio, chacune étant liée aux deux autres par des liens forts et indissolubles. Son style précis et haletant, ses phrases brèves et sèches, donnent au récit un souffle qui reste tendu jusqu'à la fin.

L'autre à abattre

On l'aura compris : ce n'est pas un livre de plus sur la boxe et les ravages de la violence. Mais plutôt une réflexion sur l'autre : " l'autre est tous les autres, qu'il aurait fallu et qu'il faudra abattre, caresser, attendre. Les absents. Les chiens hurleurs. L'autre est l'absence de toutes les douceurs que tu ne regrettes pas. Ni de ton dard, ni de ton miel, pourrais-tu penser. Tu ne penses pas. Tu boxes. Une étreinte déchirante habillée de gants rouges. "

Myriam Donzelot, comme son personnage principal, est constamment à la limite de la rupture, entre la vie et la mort, et au-delà de la fatigue, dans l'écriture comme dans la boxe, où l'homme cherche son second souffle, celui qu'on garde pour finir le combat. Celui qui sauve la vie et efface la douleur : " La lumière les cris, la pensée qui se réveille et avec elle la douleur. Est-ce la douleur qui réveille la pensée ou l'inverse. S'il a perdu c'est son amer ego qui pleure, des éclats de pierre lunaire. Il faut jouer. Etreindre l'autre. "

Cet au-delà de la douleur, ce second souffle que recherche Akim, c'est aussi ce qu'Oliva désire, mais autrement, dans le rituel intime et violent de ses étreintes nocturnes. C'est le prix mystérieux qu'elle doit payer, sans doute, pour accéder à cette autre dimension de l'amour qu'elle recherche, à corps perdu, sans le savoir. Au-delà du plaisir et des cris, au-delà de la nuit.

Même s'il comporte des maladresses, surtout au niveau de la construction, le troisième livre de Myriam Donzelot frappe juste et fort. Son écriture, véritablement singulière, à la fois douce et directe, sensuelle et physique, est l'une des plus intéressantes qu'il nous ait été donné de lire depuis longtemps. Et l'on se réjouit déjà du prochain texte que cet auteur rare et discret nous donnera.

* Joyce Carol Oates, De la boxe, Stock, 1988.

 

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