FEUILLETON LITTÉRAIRE
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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004

 

 

FEUILLETON LITTÉRAIRE

ROLAND JACCARD
Une fille pour l'été, Zulma, 2000.

 

Jaccard, dragueur blasé

On a beaucoup jasé, ce printemps, dans les gazettes locales, sur suicide annoncé de Roland Jaccard, brillant apologiste de la mort volontaire, qui avait proclamé ne pas vouloir franchir le cap de la soixantaine. Jaccard vient d'avoir soixante ans et il ne s'est jamais si bien porté. En témoigne son dernier livre, Une fille pour l'été, savoureuse confession d'un séducteur non repenti.

On ne présente plus Roland Jaccard, l'un des rares écrivains suisses à avoir pignon sur rue à Paris (et dans Le Monde, où il tient chronique). Romancier, essayiste, il s'est fait connaître il y a un quart de siècle par L'Exil intérieur, essai qui marqua des générations de lecteurs, jeunes et moins jeunes. Il est aussi un spécialiste de psychanalyse : on lui doit un " Que sais-je ? " sur Freud et une autobiographie fictive de Lou Andreas-Salomé. Les lignes de sa philosophie tiennent très souvent aux titres de ses livres : cynisme, nihilisme, séductions, rire, pessimisme. Cet ami de Cioran, à l'écriture ciselée et précise, conçoit toute vie comme un fardeau (sinon une punition) auquel seul le suicide serait digne de mettre un terme. Et, dans l'univers jaccardien, suicide rime avec sexualité : " J'étais arrivé à un âge où toutes les femmes que je désirais auraient pu être ma fille. L'âge où la sexualité n'est qu'un médiocre succédané du suicide et où chaque nouvelle conquête annonce une nouvelle défaite. "

Ombre et regret

Voici l'été, temps de l'amour et de l'ennui. Comment distraire une vie de séducteur désabusé ? Par un voyage à l'autre bout du monde, bien sûr, en galante compagnie (elle s'appelle Shade : à la fois ombre et regret, en anglais et en allemand) où il espère rencontrer autre chose que lui-même, R.J. qui a si longtemps joué au cynique désabusé qu'il n'arrive plus à ôter le masque de son visage.

Commence alors un voyage qui pourrait être initiatique si Jaccard croyait encore à l'aventure amoureuse. Mais c'est surtout pour lui l'occasion de revenir sur ce qu'il a vécu, de faire un point sur sa vie (avant, peut-être, d'y mettre un point final). Bien que nous soyons constamment étrangers aux autres comme à nous-mêmes, le voyage permet peut-être de percer l'autre part de soi-même qui nous relie aux autres et au monde.

Ce troisième voyage au Japon n'est pourtant pas le dernier. Jaccard en revient, toujours hanté par l'idée de suicide. Il lui faudra se rendre à Lausanne, où il va visiter sa mère, pour apprendre enfin la vérité : sa hantise de la mort n'est pas neuve. Elle ne vient même pas de lui : son grand-père, comme son père, se sont suicidés autrefois. En un sens, R.J. ne fait qu'accomplir un " programme " philosophique (ou génétique) qui est inscrit en lui.

Le seul moyen d'y échapper ? Suivre une femme. C'est sur cette image (ce point de fuite) que s'achève le bref récit et dense récit de Roland Jaccard. " Marie aurait peut-être l'obligeance de m'indiquer le chemin de l'enfer. Ces déesses barbares le savent d'instinct : l'étroite voie de notre ciel propre passe toujours par la volupté de notre propre enfer. " S'il faut à tout prix se damner, il est de bien pires damnations.

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