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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004

 

 

FEUILLETON LITTÉRAIRE

JÉRÔME MEIZOZ
Jours rouges, Lausanne, Éd. d'En bas, 2003, 63 p.

 

Bientot dans le FEUILLETON...

 

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JÉRÔME MEIZOZ
Morts ou vif, Zoé, 1999.

 

Les secrets de Meizoz

Après deux essais passionnants sur Lovay (1994) et Ramuz (1997), puis un autre, moins convaincant, sur Le Droit de mal écrire (1998), Jérôme Meizoz s’essaie au récit autobiographique. Cela donne Morts ou vif, un texte accompagné des photographies saisissantes d’Oswald Ruppen.

Dans ce premier récit, Meizoz sonde à son tour les silences, pièges et secrets de sa propre famille. Nous sommes au cœur des Alpes, dans un petit village valaisan où se côtoient sans cesse les vivants et les morts. Le Mal, ici, n’est jamais nommé, mais toujours présent, et menaçant. Il s’entoure de silence et traque, à chaque instant, de nouvelles victimes.

C’est ce silence qu’interroge Meizoz, et qu’il cherche à briser, comme pour défaire le fil d’une fatalité tragique. Le silence qui entoure l’oncle suicidé ou la mère morte d’un cancer. Comme Annie Ernaux (dont il s’inspire) Meizoz questionne son rapport à la langue, aux langues plutôt, tant celle qu’il enseigne à présent, à Zurich, est différente de celle qu’il a apprise autrefois. Il interroge cette trahison (indispensable) qui est à l’origine de l’écriture. Et il trouve les mots justes. Son récit, émietté en brefs paragraphes, a la force d’un exorcisme.

 

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JÉRÔME MEIZOZ
Ramuz, un passager clandestin des Lettres françaises, Zoé, 1997.

 

Oublions, un instant, cette manie contestable (et sans doute bien suisse) qui vise à célébrer non la naissance d'un écrivain – ici Charles-Ferdinand Ramuz – mais sa mort. Et saisissons l'occasion de relire avec un œil nouveau, et de nouveaux instruments de lecture, l'œuvre du grand poète vaudois qui, le premier, trouva sa raison d'être dans la littérature de ce pays.

Voici un petit livre très utile et dont l'intelligence est remarquable. Son auteur, Jérôme Meizoz (né en Valais en 1967) a suivi les cours du sociologue Pierre Bourdieu, à Paris, avant de devenir lecteur de français à l'Université de Zurich. C'est aujourd'hui l'un des meilleurs spécialistes de l'œuvre de Ramuz, qu'il édite et qu'il commente avec (im)pertinence.

Bourdieu, on le retrouve bien sûr en filigrane du livre que Meizoz consacre à Ramuz, Un passager clandestin des Lettres françaises. Il lui fournit un cadre et une grille de lecture sur lesquels le jeune chercheur s'appuie (analyse du " champ littéraire " et des processus de " consécration " d'un écrivain), parfois, d'ailleurs, avec trop de confiance. Mais ce cadre et cette grille d'analyse permettent à Meizoz de relier (ou de relire) Ramuz à sa source, en démontant un grand nombre d'idées reçues, comme celle d'un Ramuz-écrivain-paysan, par exemple, ou celle d'un prétendu " retour à la terre ".

Une lecture originale

Passionnant, le livre de Meizoz l'est à plusieurs égards, et même iconoclaste, parfois, lorsqu'il démontre, dans sa première partie, comment Ramuz, loin d'exprimer une nature intérieure et profonde (qui serait quelque chose comme l'âme vaudoise et le précèderait de toute éternité) s'invente au contraire une identité en reliant son écriture à une source imaginaire. Ce jeu des origines, qui emprunte parfois des cheminements obscurs, Meizoz le décrypte avec finesse en confrontant Ramuz avec ses lecteurs de l'époque (Pourrat, Barbusse, Poulaille, Claudel). Ainsi remise en perspective, l'œuvre ramuzienne ne perd rien de sa force. C'est même le contraire : elle s'impose comme une œuvre construite, solide, obstinément préméditée, qui laisse loin derrière elle les romans " du terroir " de son époque.

Après avoir reconstitué les bases du " système Ramuz " (à la fois singulier et propre à tout écrivain cherchant à toucher un public), Meizoz étudie les rapports de Ramuz face à Paris, siège du pouvoir éditorial. On connaît les déboires de l'écrivain qui resta plus de dix ans dans la capitale française, ses déceptions, sa misère. On sait aussi qu'il en revint, en 1914, comme on revient d'une guerre perdue. Parcours exemplaire s'il en est, qui concerne Ramuz, maus pourrait tout aussi bien s'appliquer à des écrivains comme Haldas, Lovay, Chappaz et quelques autres.

Dans la dernière partie de son livre, Meizoz élargit sa perspective en étudiant la réception contemporaine de Ramuz, laquelle insiste davantage sur l'aspect esthétique de son œuvre, que sur son aspect éthique. C'est ainsi qu'on laissera de côté l'étude des thèmes rustiques pour s'attacher plus particulièrement au style de l'écrivain vaudois. Mais que l'on privilégie l'éthique ou l'esthétique, les thèmes paysans ou le style, Ramuz semble bien condamné, encore aujourd'hui, à rester prisonnier d'un entre-deux sournois qui nous empêche, comme l'écrivait Cingria, " d'accéder à l'évidence que c'est un événement que ce langage-là et ce style-là et que cet événement est unique dans l'état actuel de la langue qui est sienne et qui est nôtre qui est la langue française.

 

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