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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004
FEUILLETON LITTÉRAIRE JEAN ÉCHENOZ
Au piano, roman, Minuit, 2002.
La musique d'Échenoz
Auteur de L'équipée malaise (1986), des Grandes blondes (1995) et surtout de Je m'en vais, Prix Goncourt 1999, Jean Échenoz est le maître du roman décalé. Avec un brio indéniable, il parvient à camper en quelques pages des personnages singuliers et généralement hauts en couleur, une intrigue indécise (à laquelle lui-même ne semble guère prêter foi), des décors presque naturalistes de précision.
Ce genre de roman, qui à l'instar de l'improvisation-jazz joue beaucoup sur l'inspiration du moment, a de nombreuses qualités (quand l'écrivain est en forme), mais aussi quelques défauts. Dans son dernier roman, Au piano les défauts sont criants : l'intrigue est mince, absolument tirée par les cheveux, le roman mal construit, la fin bâclée, etc. Le meilleur, en tout cas, est au début, quand Échenoz dessine son couple de personnages principaux : Max Delmarc, pianiste virtuose et son compère Bernie, à la fois garde-chiourme et alter ego (on pense aussitôt à Des Souris et des Hommes de Steinbeck). Le premier a besoin du second pour maîtriser sa peur de jouer en public (très belles pages sur cette panique qui saisit tout le corps), éloigner les bouteilles de whisky et le guider, pratiquement de force, jusqu'au tabouret noir où il devra s'asseoir pour jouer.
De loin la plus réussie, la première partie s'achève abruptement : Max se fait assassiner un soir au pied de son immeuble. Il monte alors au ciel, découvre une véritable bureaucratie, attend qu'on le renvoie sur terre. La troisième partie raconte son retour et sa reconversion comme barman dans une boîte à jazz. C'est là qu'il retrouve Bernie, bien sûr, qui est le seul à le reconnaître.
Roman plaisant, mais un peu désinvolte, Au piano ne marquera pas les mémoires. Il met à nu les limites du genre – peut-être aussi celles d'Échenoz, brillant portraitiste et caricaturiste, mais romancier qui peine à tenir la distance.