FEUILLETON LITTÉRAIRE
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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004

FEUILLETON LITTÉRAIRE
DANIÈLE SALLENAVE
Les trois minutes du diable, Gallimard, 1994.

 

Les désarrois de Danièle Sallenave

Avec ses Trois minutes du diable, un gros roman de quatre cents pages, c'est au contraire un livre infiniment délayé que nous donne Danièle Sallenave : structure éclatée, narration volontairement polyphonique, personnages sans chair ni âme, réduits le plus souvent à l'état d'esquisses.

Tout se passe, ici, entre le 18 et le 22 août 1991, dans quatre ou cinq villes en même temps. Qu'on juge du peu : à Turin, un évêque rêve qu'on a volé le Saint Suaire, tandis qu'à Moscou se prépare le coup d'état manqué contre Boris Elstine, tandis qu'à Paris une artiste-peintre médite sur son œuvre achevée, tandis qu'à quelques kilomètres de là, dans un petit village, une mère voit apparaître son enfant mort, tandis que…

On voit d'emblée le risque de ce genre d'entreprise : à courir plusieurs lièvres à la fois, on s'épuise en manœuvres d'approche et on finit par les perdre tous de vue. Est-ce dommage ? Le drame de ce roman, c'est que la réponse est non. Car Danièle Sallenave réussit le tour de force de ne rien dire, de ne jamais surprendre, et même de mélanger tellement les données du roman que l'enjeu des Trois minutes du diable, finalement, se noie au fil des pages comme écrites à la mitrailleuse.

Pourtant, le lecteur averti est encore sous le charme des magnifiques Portes de Gubbio (P.O.L.), qui traitait déjà d'un même thème (un musicien aux prises avec le régime communiste), mais plus finement et plus en profondeur. De même, il se souvient d'Un printemps froid (P.O.L.) et du récent et convainquant Don des morts (Gallimard). Mais ici, présumant de ses forces, Danièle Sallenave nous donne un livre confus, qui part dans toutes les directions, sans se donner la peine d'en suivre aucune jusqu'au bout.

Un style télégraphique

Comme sa structure, le style du roman laisse quelquefois songeur. Qu'on en juge plutôt. C'est à la page 45 et cela fait 8 pages.

" D : Allô ?

V : Allô, oui, c'est toi, Sacha ?

D : Non, c'est Mitia. Je vous passe papa.

S : Oui, j'écoute ?

V : Dis-moi, garçon, est-ce que ça va ?

S : Ça va. Et toi ? "

Désirant rendre compte de " l'immense dérive qui gagne notre continent désaccordé ", Danièle Sallenave se laisse prendre, peu à peu, par la matière qu'elle brasse. Au lieu de pointer les discours, elle succombe elle-même au " nouveau désordre contemporain ", ce magma informe où se mêlent à la fois le rap et la littérature, le politique et le religieux, la fin de l'art et celle des idéologies.

Mais peut-être faut-il lire le roman de Sallenave d'un peu plus haut : comme le symptôme d'un désarroi. Une fois enterré le communisme, que reste-t-il à dire du désastre ? " Terre gelée, astre mort, ruines partout, corbeaux volant sur la neige au pied des monuments éventrés. Tout est consommé. Sur le mur du Kremlin, au pied de la citadelle, flotte une odeur de rouille, de neige et de sang. "

Et c'est précisément cette odeur-là, si lourde et pourtant impalpable, que la romancière n'arrive pas à saisir. Ou du moins pas dans ce roman à vocation universelle et encyclopédique. Peut-être par défaut d'inspiration. Ou par manque d'humilité.

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