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DANIEL
DE ROULET
Gris-bleu, roman, Le Seuil, 1999.
L'Odyssée
de Roulet
Troisième
volet de son triptyque sur le bleu, " saga des générations
du siècle qui s'achève ", le dernier livre
de Daniel de Roulet (né à Genève en 1944)
est un livre inclassable. S'appuyant sur un modèle illustre
(l'Odyssée), il nous relate les pérégrinations
d'un jeune japonais lancé à la recherche d'une
mystérieuse organisation qui contrôle et trafique
les inséminations artificielles
Dès
les premières pages, on retrouve un thème cher
à Daniel de Roulet : comment échapper au Père
? À sa Loi ? À son désir ? Comment un fils
peut-il sortir de cette fatalité biologique (considérée
comme une tragédie) qui attribue au Fils tel Père
et non tel autre ?
Le
héros de Gris-bleu*, Japonais aux yeux clairs
et à la haute taille (une sorte de mutant), semble avoir
subtilement résolu le problème : il est le fruit
d'un hasard génétique c'est-à-dire
d'une éprouvette. Il n'est donc le fils de Personne.
Ce qui, loin de plonger Tsutsui dans des abîmes d'angoisse,
le rassure plutôt. Pas de dette à payer, ni de
Père à tuer : le Fils est enfin libre d'être
lui-même.
Un
jour, pourtant, les ennuis commencent : notre héros perd
l'un après l'autre ses deux frères, victimes d'une
étrange maladie. Quittant le Japon, Tsutsui se rend d'abord
à Vancouver, puis à Brasilia, puis à Paris,
pour mener son enquête sur les agissements d'une terrible
secte (aux allures New Age). Entretemps, il aura rencontré
une femme dont il tombe amoureux, puis une autre qui voudra
sa peau. Au bout du compte, il apprendra une vérité
surprenante, mais aussi rassurante : son père a bel et
bien existé, mais c'est une ombre, à peine un
prénom écourté (un certain Max).
Comme
les deux précédents livres de Daniel de Roulet,
Gris-bleu est un roman virtuel. Il explore le simulacre,
le génie génétique, la manipulation et
la duplication des êtres comme des choses. Son univers
est déroutant, parce qu'à la fois référentiel
(donc réaliste) et farfelu, invraisemblable, voire improbable
(le personnage de Mme Amati, par exemple, a trop peu de réalité
pour qu'on y croie vraiment). Les références à
l'Odyssée, qui ouvrent chacun des 14 chapitres
du roman, ne font qu'ajouter au trouble du lecteur en indiquant
une dimension (symbolique) supplémentaire au livre. Ce
mélange des genres mis à part, Gris-bleu
se lit avec plaisir. De Roulet s'y montre inventif d'un bout
à l'autre, parfois caustique et souvent drôle.
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DANIEL
DE ROULET
Double, un rapport, Canevas éditeur, 1998.
À
entendre la prolifération actuelle des discours sur la
Suisse, il semble bien que l'une des caractéristiques
(sinon la principale) des écrivains de ce pays soit de
s'interroger sans relâche sur l'identité
helvétique. Qu'est-ce que la Suisse ? Qu'est-ce qu'être
suisse ? Qu'est-ce qu'écrire en Suisse ?
Questions
bizarres, sinon absurdes, pour les auteurs des pays qui nous
entourent comme la France, l'Italie ou l'Allemagne, qui ne comprennent
pas cette obsession. Faut-il douter à ce point
de sa propre existence pour devoir à chaque occasion
(les festivités du 700ème ou, plus récemment,
la Foire du Livre de Francfort, dont la Suisse était
l'hôte d'honneur) l'affirmer avec force ? Avant même
d'écrire, l'écrivain suisse doit-il certifier
qu'il existe ?
On
connaît les réponses, aussi nombreuses que diverses,
à ces questions : Muschg avance qu'au lieu de refaire
le passé, ou défaire les mensonges qui le voilent,
il faudrait simplement commencer à faire la Suisse,
car ici tout reste à faire. Daniel de Roulet se
pose en victime désignée des ficheurs de toute
sorte, dans un livre à la fois ambivalent et malhonnête.
Tandis que Jean Ziegler, lui, poursuit son investigation des
dessous de l'Histoire.
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DANIEL
DE ROULET
La
Ligne bleue, Le Seuil, 1994.
L'écriture
comme course d'endurance
Né
en Suisse en 1944, Daniel de Roulet a reçu, pour son
roman Virtuellement vôtre, le Prix Dentan 1994.
Aujourd'hui, quittant les éditions Canevas, il se lance
dans la bataille parisienne avec La Ligne bleue, son
troisième roman, publié au Seuil.
L'idée
du livre est originale, et son traitement ne l'est pas moins
: Max, un architecte suisse d'une cinquantaine d'années,
se lance, avec 25 000 autres coureurs, dans le fameux et implacable
" marathon de New York ". Moins de quatre heures, c'est le but
qu'il se fixe pour parcourir les 42 kilomètres et des
poussières de la course. C'est aussi le temps que le
lecteur, parti au même endroit que Max, mettra à
lire les quelque deux cents pages du roman. Tandis que l'un
suivra, noir sur blanc, les lignes d'écriture sur la
page, l'autre essayera de parvenir au bout de cette ligne
bleue. peinte sur les chaussées de New York, qui
délimite exactement le parcours à suivre par les
coureurs.
L'écriture
de Roulet s'attache, avec une précision toute scientifique,
à décrire par le détail tout ce que Max
voit et enregistre. Elle relève davantage d'un travail
d'arpenteur, ou de géomètre, que d'écrivain
prêt à se perdre dans sa langue. Et c'est sans
doute dommage. Ainsi la description des rues que traversent
les coureurs, l'atmosphère des quartiers, tel ou tel
monument, sont-ils fidèlement répertoriés,
mais dans un but, dirait-on, purement touristique.
Parfois,
heureusement, le narrateur perd le fil de sa course. Alors,
des bribes de son passé surgissent, sa jeunesse " gauchisante
", ses liens avec les mouvements terroristes italiens, le souvenir
de l'éditeur Feltrinelli, explosé avec sa bombe
au pied d'un pylône électrique. Ces digressions,
que la course suscite, comme les interventions d'une ancienne
maîtresse de Max, tressent le fil le plus intéressant
de son livre, parce que le moins prévisible. Mais, hélas,
elles n'occupent pas la place qu'elles auraient mérité.
C'est pourquoi le roman de Roulet, malgré ses indéniables
qualités, laisse un peu le lecteur sur sa faim, car il
est trop léché et, dans un sens, trop parfait.
Trop linéaire.
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