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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004
FEUILLETON LITTÉRAIRE JEAN-MARIE LACLAVETINE
Première ligne, Gallimard, 1999.
Amours intempestives
Comme chaque année à pareille période, le chroniqueur croule sous l'avalanche des nouveautés (près de 500 romans parus en France !). Impossible d'en faire le tour, bien sûr, ni même d'en donner un aperçu rapide. On se contentera de quelques titres, parfaitement intempestifs (c'est-à-dire à contre-courant), qui montrent l'extraordinaire richesse de la littérature française d'aujourd'hui.
Dans un récent Bouillon de culture consacré aux livres de la rentrée, Bernard Pivot avait réuni autour d'une même table des écrivains aussi divers qu'Amélie Nothomb, Christine Angot et Jean-Marie Laclavetine. Ceux qui ont assisté à l'émission se souviennent encore de la violence verbale d'une Christine Angot, plus hystérique que jamais, face à ses collègues, et néanmoins ennemis. Parmi les " agressés " figuraient Jean-Marie Laclavetine, membre du fameux Comité de lecture de Gallimard et auteur de plusieurs livres parfaitement délectables, comme Donnafugata (1987), En douceur (1991) ou encore Le Rouge et le Blanc (1994), hymne au vin de Bordeaux (d'où est originaire Laclavetine, et qu'il chante si bien).
Son dernier roman, intitulé Première ligne, s'en prend précisément aux malades de l'écriture dont les manuscrits logorrhéiques inondent le bureau de Cyril Cordouan, directeur des éditions Fulmen, nec plus ultra de l'édition parisienne. La coupe est pleine quand un auteur, s'étant vu signifier un refus, décide aussitôt d'en finir, dans le bureau même de l'éditeur, d'un coup de revolver. Cyril décide alors de faire quelque chose pour tous ces pauvres gens qui ne peuvent s'empêcher de noircir du papier. " Vous avez mal , vous êtes mal ? La drogue vous tient ? Vous pensez qu'il n'y a rien à faire contre la dépendance ? Vous vous trompez. Arrêter d'écrire, c'est possible, pourvu qu'on soit compris et soutenu. " C'est ainsi que naît le Club des Refusés – ou encore A. A. : Auteurs Anonymes.
Bien entendu, les bonnes intentions de Cyril Cordouan ne seront pas récompensées : les écrivains, par nature, sont incurables. Soit par faiblesse, soit par orgueil, par folie ou par fatuité, ils ne peuvent renoncer à leur vice, et persistent dans la carrière des lettres.
Pis encore : l'éditeur le plus réputé de Paris se laissera séduire à son tour par ces maniaques du stylo, qu'il acceptera même de publier. Inutile de dire que ces ouvrages (qu'il juge lamentables) rafleront bientôt tous les prix de la rentrée littéraire !