FEUILLETON LITTÉRAIRE
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Dernière mise à jour le 22 juillet 2004

 

 

 

 

 

FEUILLETON LITTÉRAIRE

NICOLAS BRÉHAL
Le sens de la nuit, Gallimard, 1998.

 

Le sens de la nuit

Trois ans après L'amour parfait, Nicolas Bréhal nous revient avec un roman magnifique, Le sens de la nuit, qui entrelace les destins de personnages que rien, de prime abord, ne rapproche. Rien, sinon l'angoissante obsession de la nuit : cette " petite mort " qui frappe Marge quand le soleil décline, " ce crépuscule qui excite les fous " comme écrivait Baudelaire ou encore ce vertige qui habite Sabine lorsqu'elle exhibe son corps dans un dancing.

Composé de quatre sections (quatre nocturnes), le roman de Bréhal est un hymne à la nuit : on se perd dans Paris tantôt illuminé, tantôt désert et froid, tantôt éclaboussé par les pluies de l'automne. Chaque personnage, en proie à cette brusque aspiration du vide, part à la recherche de son âme – c'est-à-dire de ce qui lui manque. Certains, comme Gaspard, doivent tuer pour conjurer cette blessure intime; d'autres, comme Marge ou Thomas, commettent de petits délits ; Marius explore la nuit en prenant des photos ; Léo se jette dans la drogue pour échapper au châtiment du jour.

Rarement, il nous aura été donné de lire un roman si lumineux, si ardent de désir et si proche, aussi, de cette brûlure que chacun porte en soi et qui n'a pas de nom. Nicolas Bréhal réussit le prodige de traverser la nuit en n'évitant ni ses pièges ni ses désillusions : dense et poignant, son livre résonne longtemps après qu'on a tourné la dernière page (" Sabine abandonna Léo aux portes des ténèbres et perdit à jamais le sens de la nuit. "), comme une musique à la fois douce et familière, mais infiniment entêtante.

 

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NICOLAS BRÉHAL
Le parfait amour, Le Mercure de France, 1995.

 

Le désir et le rêve

Il y a deux ans, avec Les corps célestes, roman récompensé par le prix Renaudot, Nicolas Bréhal nous faisait partager l'amitié entre Baptiste et Vincent, deux jeunes gens que tout oppose, en apparence, mais qui se révèlent inséparables. Tandis que l'un ignore le désir charnel et se voue tout entier à la contemplation des chimères, l'autre aime les femmes et accepte sa condition d'être terrestre. Pourtant, chacun trouve en l'autre son complément indispensable, et les réponses à ses propres questions. Roman métaphysique, Les Corps célestes montrait deux êtres en quête de perfection, mais partagés, et comme déchirés entre le Ciel et la Terre.

Cette impossible perfection est au centre, également, du dernier roman de Bréhal, Le parfait amour. S'il n'est pas aussi labyrinthique que le précédent, ce texte bref et ciselé comme un diamant en a la force, et la tendre émotion. C'est sur un ton de confidence, et par une question, que débute le récit : " A-t-on jamais été trop aimé ? ". On devine le regret, déjà, mais aussi la secrète jouissance de celui qui s'avance pour parler. Qui est-il ? Un étudiant qui passe ses vacances au bord de la mer et sert de précepteur au jeune Victor, le fils d'une belle Française revenue d'Afrique. Au fil des leçons, le narrateur va tomber sous le charme d'Édith, mère à la fois pudique et provocante, qui possède, aux yeux du jeune homme, le don " diabolique de la compassion ".

La sensation vraie

Dès lors, un jeu pervers s'installe entre le narrateur et la jeune femme qui joue sans cesse de la distance étroite qui les sépare. Qu'est-ce qu'un sentiment vrai ? " Elle disparut et, ce fut plus fort que moi, aussi fort que mon désir, je pris le châle afin d'y respirer la présence d'Édith, l'odeur de ses épaules, de ses cheveux. je fus déçu de ne trouver nulle trace d'elle ; le châle n'avait qu'un parfum d'air et de soie, comme s'il avait étreint un corps fantôme. " Et qu'est-ce qui, dans l'amour, est réel ? " En quête d'émotions, je m'approchai du livre posé sur la table. Le saisissant d'une main, je pus en mesurer la portée et la matérialité : de tous les objets qu'il y avait là, autour de moi, seul ce livre dont Édith m'avait parlé, abîmé et décoloré, me paraissait réel et concret, pétri d'existence, fait dans une chair sensible. "

On voit dès lors comment le narrateur, écartant les mensonges qui l'entourent, avance lentement, grâce aux, mots, sur le chemin de la sensation vraie, ce parfait amour qui est fait de réserve et de violence contenue. Aimer vraiment, c'est faire chaque jour des progrès dans " le calme de son cœur. " Et, comme l'écrit si bien le narrateur, gagner en " maturité " pour se donner "peut-être la chance de trouver un jour un écho, une réponse. " L'amour est un secret qu'il faut garder, et d'abord se garder d'accomplir ou de réaliser, afin qu'il reste à jamais sans égal, c'est-à-dire le premier et le parfait amour, celui qui nourrit tous nos rêves. Dans un récit d'une rare violence, mais vibrant de pudeur, Bréhal nous invite à réfléchir sur le secret des origines, et la réponse à notre infatigable quête d'absolu.

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