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L'HOMME
DE CENDRE
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ÉCHOS
UVRES ROMANS RÉCITS NOUVELLES ESSAIS POÉSIE ENTRETIEN CONTACT
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Détonation unique et sèche comme un coup de semonce : la batterie explose, d'emblée, et donne le la, profond et clair. Les percussions se déploient. Puis de concert, et sourde, la basse suspend le cur comme entre deux battements, amplifiant le tempo brutal et lourd de la chanson. Et la guitare, au loin, étouffe sous un lacis de rythmes, égrenant seule, impavide, ses accords métalliques. C'est une voix rauque et haletante, au début, mais le début, bien sûr, est déjà ce qui se chante à partir de la fin à peine un souffle, une bouffée d'air qui cherche vainement un nouvel élan, une voix de gravière, profonde et sans intonation, sans timbre propre, presque un murmure, ce qu'on appelle un dernier souffle, une sibilance qui porte en elle, tout au bord de la tombe, autant d'éclats de voix qu'il y a d'étoiles éteintes dans le firmament de la nuit. Il a la gorge sèche. Sans cesse il se retourne dans son lit. Sans cesse il appelle. C'est d'avoir trop chanté que sa gorge, maintenant, est en feu. Etranglé, il chante encore : Every
breath you take Dans la nuit, sur la route d'Orange, c'est une cassette que Fanny sort de son sac à main. C'est une chanson mille fois écoutée, le jour, la nuit, ici, ailleurs, partout, le dernier disque de The Police la scie de l'été. Comme sous l'effet d'une drogue, ou plutôt sous le coup d'une hallucination lucide, la voix égrène sans cesse la même image, le même refrain d'absence. C'est un chant de hantise, sinistre et dérisoire, une complainte obsédante où chacun se retrouve, comme chez soi, sur son petit îlot de larmes. Every
single day Un laveur de carreaux, accroché à la façade, s'acharne à faire briller la rosace centenaire d'une église. Plus bas, sur le parvis, un chanteur blond s'égosille, jusqu'à en perdre la voix. Il se réfugie dans le chant, ce deuil absurde qu'il est seul à porter. Il ne lève pas les yeux du sol. Il reste là, prostré, muré dans le silence, et seul, dans la chapelle vide, tandis qu'autour de lui s'agite comme un ballet d'ombres chinoises. Il est la proie des chimères. Since
you've gone Le bourdonnement des voix derrière la vitre, et la rose étincelante, la verrière de fleurs, et la lumière qui tout à coup se liquéfie, verse à son tour dans la nuit, il commence à pleuvoir, l'église est ouverte, éventrée, le laveur de carreaux a fini son travail, et l'image, figée par la pluie, s'estompe, il faut mettre les essuie-glace, oui, c'est un trio, peut-être même un quatuor, un petit orchestre de chambre, à peine quelques cordes, qui s'installe maintenant dans le chur de l'église, ils commencent à jouer, ils regardent leur instrument avec une sorte d'avidité respectueuse, le bois des violoncelles luit dans le noir, en même temps on dirait qu'ils sourient, ils ne disent rien, mais leurs lèvres remuent, ils ont les cheveux blancs et crépus, deux surtout, comme des vieillards, ils se rapprochent, et c'est l'averse à nouveau Every
move you make Double fanal venant à ma rencontre, et je ne vois plus rien, c'est comme un coup de tonnerre : une sirène hurlante, une main qui saisit le volant, et puis un cri répété plusieurs fois, attention tu vas nous tuer, tu vas nous tuer, et puis un coup de frein, et la voiture sur le bas-côté qui s'immobilise en hoquetant, j'ouvre les yeux : effarée, tremblante, Fanny me regarde, je sors de la voiture, la route est sèche et déserte, complètement, je me penche au-dessus d'un muret de pierres et je vomis à perdre haleine et m'arracher la bouche et les yeux et le visage entier, je n'arrive pas à reprendre mon souffle, j'essaie de respirer lentement, avec application, mais l'air me brûle la gorge, la nuit est très claire, je vais rejoindre Fanny qui attend dans la voiture, nous repartons, mais cette fois c'est elle qui conduit, elle reste silencieuse, sans comprendre.
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