Les livres de Jean-Michel Olivier sont disponbles sur Internet: * et aux librairies:
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LA
MÉMOIRE DE MES SOUVENIRS |
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ENTRETIEN
BIOGRAPHIE 12 avril 1935 : naissance de Claude Frochaux à Berne, rue Gutenberg. Son père, marchand de vin, y est installé depuis plusieurs années. Une sur, Françoise, née en 1934 ; un frère, Gilbert, né en 1938. 1939 : à la veille de la guerre, les Frochaux réintègrent la maison familiale du Landeron (Neuchâtel). Septembre 1952 : Claude Frochaux quitte définitivement (et théâtralement) lécole, en pleine leçon de sciences naturelles. Cet épisode servira de point de départ à Aujourdhui je ne vais pas à lécole, roman publié en 1982 à lAge dhomme. 1er avril 1954 : entre comme apprenti-libraire chez Payot, rue de Bourg, à Lausanne.
1955 : publie ses premiers textes dans des journaux romands et se prend de passion pour le théâtre contemporain (Beckett, Sartre, Ionesco). 1956-58 : libraire à Zurich, chez Payot, le jour, et fréquentation assidue des salles de cinéma la nuit. Période dintenses découvertes (littérature, peinture, cinéma, théâtre, musique). 1958 : part pour Londres où il travaille dans la grande librairie Foyles. 1959 : retour en Suisse, à Genève, chez Payot, rue du Marché. Rencontre Jean-Jacques Landendorf avec qui, q uelques mois plus tard, il va entreprendre un grand voyage au Proche Orient, sur les traces de D.E. Lawrence, leur idole à tous deux. Venise, Salonique, Istanboul, la Syrie, Beyrouth, Jérusalem enfin. Passion commune pour lanarchisme. 1960 : lance la revue Spot, consacrée au cinéma, dans laquelle écriront Francis Reusser, Simon Edelstein et Freddy Buache. 21 février 1961 : participe, avec Jean-Jacques Landendorf et deux autres complices, à lattentat contre le Consulat dEspagne à Genève. 1961 : arrêté, puis interrogé, Claude Frochaux passe six mois en prison. Mai 1962 : procès " éminemment politique " qui dénonce les violences du gouvernement franquiste. De nombreux intellectuels suisses romands viendront témoigner à la barre : Marcel Raymond, Léon Savary, Ernest Ansermet). 1962 : travaille à Lausanne. Rencontre déterminante avec Vladimir Dimitrijevic, le futur fondateur des Editions lAge dHomme, lui aussi libraire chez Payot. Juillet 1963 : fatigué de la Suisse, Claude Frochaux part pour Paris où il est engagé au Palimugre, la librairie de Jean-Jacques Pauvert, sise 47 rue Bonaparte, en plein Quartier latin. 1963-64 : nombreuses rencontres (Bresson, Celan, Folon et ses amis dessinateurs : Chaval, Topor). Surmenage, puis retour précipité en Suisse. 1er avril 1963 : alors quil sapprête à partir pour le Brésil, on lui propose la gérance dune librairie à Lausanne, Les Escaliers-du-Marché, quil rachètera quelques années plus tard.
CONTACT : jolivier@worldcom.ch
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ENTRETIEN Jean-Michel Olivier Claude Frochaux, qui êtes-vous ? Claude Frochaux Je suis né à Berne. Mais cétait une erreur. Je veux dire que je suis neuchâtelois de père et de mère. Du Landeron, exactement. Mon père, qui était marchand de vin, avait un bureau à Berne et, comme toute sa clientèle se trouvait en Suisse allemande, il avait fini par venir sy installer. Les trois enfants y étaient nés, ma sur Françoise en 34, mon frère Gilbert, qui a repris le commerce de vin en 38, et moi, au milieu, en 35. Juste avant la guerre, nous habitions la Gutenbergstrasse, certains y virent un présage de vocation littéraire. En 39, en raison des circonstances que vous savez, nous nous sommes repliés dans la maison familiale dans le vieux bourg du Landeron. Vous avez donc passé toute votre enfance dans ce village neuchâtelois ? Parfaitement. Jai quelques souvenirs de la guerre. Nous hébergions un major et il y avait de la paille partout à cause des chevaux. En 1942, ma sur et moi avons passé deux mois dans une pension à Gryon. Il y avait un grand portrait du maréchal Pétain dans la salle à manger et avant le repas, en guise de benedicite, nous chantions en chur Maréchal, nous voilà. Jaimais beaucoup cette chanson. À notre retour, au Landeron, nous la chantions à tue-tête. Mon père a dû nous arrêter. Je me souviens aussi du procès de Nuremberg. Tous les jours, on se demandait si Goering allait réussir à se suicider. Moi, je trouvais que cétait impossible, mais lui pas : il y est arrivé. Un détail mest resté qui mamuse aujourdhui. Le 8 mai 45, je me suis collé au poste de radio à une heure moins le quart pour écouter les nouvelles. Jétais persuadé que le speaker allait être très embêté : la guerre était finie, il ny avait donc plus rien à dire. Comment ce malheureux allait-il faire pour se tirer dun aussi mauvais pas ? Eh bien, il a fait comme si de rien nétait, et il a annoncé plein de nouvelles. Jétais très déçu. Une enfance assez banale en somme ? Vu de lextérieur, oui, bien sûr. Mais aucune enfance nest banale pour qui la vit. Il y a une telle fraîcheur dans chaque sensation, chaque impression. Je me souviens quand je laçais mes chaussures de gymnastique, mes savates bleues, les mardi et vendredi après-midi, au printemps, surtout Mon Dieu, quel bonheur ! Je pourrais faire nimporte quoi aujourdhui, jamais je ne retrouverai cette sorte de jubilation, de plaisir à létat pur ! Et lécole ? Dabord, jai été très bon. Toujours le premier des garçons. Il y avait 5-6 filles avant, mais cest normal. Quand jai eu treize ans, on a décidé que je ferais des études classiques. Le Landeron est un des trois villages neuchâtelois à être resté catholique. Quand Farel, le réformateur, sest présenté au XVIème siècle pour convertir les habitants, les femmes du Landeron lont précipité dans une fontaine.. Il sest enfui à toutes jambes, abandonnant son chapeau, quon peut voir encore dans le Musée du Vieux-Bourg. On dit que cet acte héroïque est à lorigine dune tradition qui permet aux femmes doccuper la partie droite de la chapelle, habituellement réservée aux hommes. Cest donc pour des raisons religieuses que vous avez été placé au Collège Saint-Michel de Fribourg ? Exactement. Et à linternat. Et comment ça sest passé ? Très bien pour ce qui est de la vie de collège. Linternat me convenait parfaitement. Nous étions 40 dans le dortoir, mais ça ne me gênait pas. En revanche, du côté des études, ça na jamais marché ! Pourquoi ? Je ne sais pas. Jétais très bon en français, en gymnastique et en chant. Je chantais le Ranz des Vaches avec une conviction de chevrier dalpage. Mais lallemand, les maths : un désastre. Je faisais des échanges avec mes copains : ils me faisaient mes versions de latin et mes problèmes dalgèbre contre des rédactions françaises. Il mest arrivé de faire les quinze compositions de la classe sur un même thème et tout le monde a eu une bonne note. Vous lisiez beaucoup déjà ? Oui, beaucoup. On navait pas le droit de lire à lEtude. Un jour, le surveillant ma surpris, un livre camouflé sous le pupitre. Il a saisi le livre et en a lu le titre à voix haute pour me faire honte. Cétait Le monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer. Le livre a été confisqué, mais je me suis fait une réputation de philosophe qui ma valu beaucoup de prestige. Vous étiez sportif ? Jétais un gardien de football honnête, de bons réflexes, mais javais peur de plonger. Cest le ping-pong qui ma valu mes heures de gloire. À Saint-Michel et plus tard. Jai même joué contre Urchetti, le champion suisse. Je ne vous donnerai pas le résultat, mais jai joué contre lui. Un jour que je me promenais à Leysin, je suis tombé sur un groupe de pongistes qui disputaient un tournoi. Ils étaient empruntés : il leur manquait un joueur au stade des huitièmes de finale. Jai proposé mes services et à lembarras général, jai gagné le tournoi. Ce nétait pas du tout prévu dans les statuts du club. Bon prince, jai échangé le trophée contre une caisse de vin. Tout le monde était gêné ! Vous avez quand même fini par passer votre bac à Saint-Michel ? Non, non, pas du tout. Mes résultats scolaires étaient vraiment très mauvais. À 16 ans, mes parents mont retiré du Collège pour me surveiller de plus près et je me suis retrouvé en première année de gymnase à Neuchâtel. Et vous avez réussi à Neuchâtel ce que vous aviez raté à Fribourg Je vois que vous avez une très haute idée de moi. Hélas, non. Ce fut même pire. Jai redoublé cette première année et puis jen ai eu assez ! Comment cela " assez " ? À la rentrée du deuxième trimestre, en septembre 1952, jai fait mes adieux à la scolarité. Ça sest passé pendant une leçon de sciences naturelles. Jabhorrais les sciences naturelles. Comme la chimie. Comme un peu tout, dailleurs. Pris dune soudaine inspiration, jai réuni mes livres et mes cahiers et jai levé la main pour demander à sortir. Ça se faisait assez couramment. Généralement ça signifiait quon allait aux toilettes. Le prof était très occupé au tableau noir, une craie à la main, il ma fait un petit signe de la tête qui voulait dire " allez-y ". Jai traversé la classe, mes camarades étaient un peu étonnés parce que jemmenais ma serviette, ce qui navait pas de sens. Jai ouvert la porte et je me le rappellerai toujours. Je lai refermée avec un regard panoramique sur la classe. Jai fait une sorte dadieux silencieux à mes copains : je savais, de science certaine, que je ne retournerais plus jamais à lécole. Et, de fait, je ny suis jamais revenu. Mais cest très beau, quelle maîtrise !Non ! Ne croyez pas ça ! Je ne maîtrisais rien du tout. Un signal, en moi, physique, me disait que jallais très mal et quil fallait que je change de vie. Alors, quavez-vous fait ? Je suis resté prostré pendant trois mois. Jétais complètement bloqué, avec une grosse boule dangoisse à lestomac. Javais des accès dasphyxie, je me précipitais à la fenêtre pour respirer. Je ne dormais plus, je tournais en rond autour dune table toute la nuit, avec la lumière allumée. La nuit, le noir me terrorisait. Je faisais de la claustrophobie aussi : je nosais pas prendre un train, je nosais pas aller au cinéma, à léglise, dans une salle fermée. Ou alors, je me plaçais tout près de la porte, pour pouvoir bondir dehors à la première occasion. Vous avez vu un médecin, ça se soigne langoisse ! Oui, enfin, à petites doses. Cinquante ans plus tard, ça commence à aller ! Non, jexagère, mais il mest resté quelque chose. Je suis toujours resté un peu sur la défensive, un peu peureux, anxieux. Quand je prends un train, je suis sur le quai dix minutes avant et jai toujours peur de me faire enfermer quelque part. Je nai jamais eu une très grande confiance en moi. Vous ne vous aimez pas ? Si, je madore ! Je me trouve génial ! Je ne sais pas pourquoi, dailleurs, mais je suis très content dêtre comme je suis. Peut-être, parce que jai entraperçu ce que jaurais pu devenir. À une époque, à 17 ans, jai vraiment cru que jallais finir dans un asile daliénés.
BIBLIOGRAPHIE
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