Les livres de Jean-Michel Olivier sont disponbles sur Internet:

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et aux librairies:
Le rameau d'or

Delphica

G. Haldas

 

LA MÉMOIRE DE MES SOUVENIRS
    (Lausanne (CH), Éd. de l'Âge d'homme, 2001.)

 

ENTRETIEN
AVEC CLAUDE FROCHAUX

 


BIOGRAPHIE

12 avril 1935 : naissance de Claude Frochaux à Berne, rue Gutenberg. Son père, marchand de vin, y est installé depuis plusieurs années. Une sœur, Françoise, née en 1934 ; un frère, Gilbert, né en 1938.

1939 : à la veille de la guerre, les Frochaux réintègrent la maison familiale du Landeron (Neuchâtel).

Septembre 1952 : Claude Frochaux quitte définitivement (et théâtralement) l’école, en pleine leçon de sciences naturelles. Cet épisode servira de point de départ à Aujourd’hui je ne vais pas à l’école, roman publié en 1982 à l’Age d’homme.

1er avril 1954 : entre comme apprenti-libraire chez Payot, rue de Bourg, à Lausanne.

 

1955 : publie ses premiers textes dans des journaux romands et se prend de passion pour le théâtre contemporain (Beckett, Sartre, Ionesco).

1956-58 : libraire à Zurich, chez Payot, le jour, et fréquentation assidue des salles de cinéma la nuit. Période d’intenses découvertes (littérature, peinture, cinéma, théâtre, musique).

1958 : part pour Londres où il travaille dans la grande librairie Foyle’s.

1959 : retour en Suisse, à Genève, chez Payot, rue du Marché. Rencontre Jean-Jacques Landendorf avec qui, q uelques mois plus tard, il va entreprendre un grand voyage au Proche Orient, sur les traces de D.E. Lawrence, leur idole à tous deux. Venise, Salonique, Istanboul, la Syrie, Beyrouth, Jérusalem enfin. Passion commune pour l’anarchisme.

1960 : lance la revue Spot, consacrée au cinéma, dans laquelle écriront Francis Reusser, Simon Edelstein et Freddy Buache.

21 février 1961 : participe, avec Jean-Jacques Landendorf et deux autres complices, à l’attentat contre le Consulat d’Espagne à Genève.

1961 : arrêté, puis interrogé, Claude Frochaux passe six mois en prison.

Mai 1962 : procès " éminemment politique " qui dénonce les violences du gouvernement franquiste. De nombreux intellectuels suisses romands viendront témoigner à la barre : Marcel Raymond, Léon Savary, Ernest Ansermet).

1962 : travaille à Lausanne. Rencontre déterminante avec Vladimir Dimitrijevic, le futur fondateur des Editions l’Age d’Homme, lui aussi libraire chez Payot.

Juillet 1963 : fatigué de la Suisse, Claude Frochaux part pour Paris où il est engagé au Palimugre, la librairie de Jean-Jacques Pauvert, sise 47 rue Bonaparte, en plein Quartier latin.

1963-64 : nombreuses rencontres (Bresson, Celan, Folon et ses amis dessinateurs : Chaval, Topor). Surmenage, puis retour précipité en Suisse.

1er avril 1963 : alors qu’il s’apprête à partir pour le Brésil, on lui propose la gérance d’une librairie à Lausanne, Les Escaliers-du-Marché, qu’il rachètera quelques années plus tard.

CONTACT : jolivier@worldcom.ch

 

ENTRETIEN
C
LAUDE FROCHAUX

Jean-Michel Olivier – Claude Frochaux, qui êtes-vous ?

Claude Frochaux – Je suis né à Berne. Mais c’était une erreur. Je veux dire que je suis neuchâtelois de père et de mère. Du Landeron, exactement. Mon père, qui était marchand de vin, avait un bureau à Berne et, comme toute sa clientèle se trouvait en Suisse allemande, il avait fini par venir s’y installer. Les trois enfants y étaient nés, ma sœur Françoise en 34, mon frère Gilbert, qui a repris le commerce de vin en 38, et moi, au milieu, en 35. Juste avant la guerre, nous habitions la Gutenbergstrasse, certains y virent un présage de vocation littéraire. En 39, en raison des circonstances que vous savez, nous nous sommes repliés dans la maison familiale dans le vieux bourg du Landeron.

Vous avez donc passé toute votre enfance dans ce village neuchâtelois ?

– Parfaitement. J’ai quelques souvenirs de la guerre. Nous hébergions un major et il y avait de la paille partout à cause des chevaux. En 1942, ma sœur et moi avons passé deux mois dans une pension à Gryon. Il y avait un grand portrait du maréchal Pétain dans la salle à manger et avant le repas, en guise de benedicite, nous chantions en chœur Maréchal, nous voilà. J’aimais beaucoup cette chanson. À notre retour, au Landeron, nous la chantions à tue-tête. Mon père a dû nous arrêter. Je me souviens aussi du procès de Nuremberg. Tous les jours, on se demandait si Goering allait réussir à se suicider. Moi, je trouvais que c’était impossible, mais lui pas : il y est arrivé. Un détail m’est resté qui m’amuse aujourd’hui. Le 8 mai 45, je me suis collé au poste de radio à une heure moins le quart pour écouter les nouvelles. J’étais persuadé que le speaker allait être très embêté : la guerre était finie, il n’y avait donc plus rien à dire. Comment ce malheureux allait-il faire pour se tirer d’un aussi mauvais pas ? Eh bien, il a fait comme si de rien n’était, et il a annoncé plein de nouvelles. J’étais très déçu.

Une enfance assez banale en somme ?

– Vu de l’extérieur, oui, bien sûr. Mais aucune enfance n’est banale pour qui la vit. Il y a une telle fraîcheur dans chaque sensation, chaque impression. Je me souviens quand je laçais mes chaussures de gymnastique, mes savates bleues, les mardi et vendredi après-midi, au printemps, surtout… Mon Dieu, quel bonheur ! Je pourrais faire n’importe quoi aujourd’hui, jamais je ne retrouverai cette sorte de jubilation, de plaisir à l’état pur !

– Et l’école ?

– D’abord, j’ai été très bon. Toujours le premier des garçons. Il y avait 5-6 filles avant, mais c’est normal. Quand j’ai eu treize ans, on a décidé que je ferais des études classiques. Le Landeron est un des trois villages neuchâtelois à être resté catholique. Quand Farel, le réformateur, s’est présenté au XVIème siècle pour convertir les habitants, les femmes du Landeron l’ont précipité dans une fontaine.. Il s’est enfui à toutes jambes, abandonnant son chapeau, qu’on peut voir encore dans le Musée du Vieux-Bourg. On dit que cet acte héroïque est à l’origine d’une tradition qui permet aux femmes d’occuper la partie droite de la chapelle, habituellement réservée aux hommes.

C’est donc pour des raisons religieuses que vous avez été placé au Collège Saint-Michel de Fribourg ?

Exactement. Et à l’internat.

— Et comment ça s’est passé ?

Très bien pour ce qui est de la vie de collège. L’internat me convenait parfaitement. Nous étions 40 dans le dortoir, mais ça ne me gênait pas. En revanche, du côté des études, ça n’a jamais marché !

— Pourquoi ?

Je ne sais pas. J’étais très bon en français, en gymnastique et en chant. Je chantais le Ranz des Vaches avec une conviction de chevrier d’alpage. Mais l’allemand, les maths : un désastre. Je faisais des échanges avec mes copains : ils me faisaient mes versions de latin et mes problèmes d’algèbre contre des rédactions françaises. Il m’est arrivé de faire les quinze compositions de la classe sur un même thème et tout le monde a eu une bonne note.

— Vous lisiez beaucoup déjà ?

Oui, beaucoup. On n’avait pas le droit de lire à l’Etude. Un jour, le surveillant m’a surpris, un livre camouflé sous le pupitre. Il a saisi le livre et en a lu le titre à voix haute pour me faire honte. C’était Le monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer. Le livre a été confisqué, mais je me suis fait une réputation de philosophe qui m’a valu beaucoup de prestige.

— Vous étiez sportif ?

J’étais un gardien de football honnête, de bons réflexes, mais j’avais peur de plonger. C’est le ping-pong qui m’a valu mes heures de gloire. À Saint-Michel et plus tard. J’ai même joué contre Urchetti, le champion suisse. Je ne vous donnerai pas le résultat, mais j’ai joué contre lui. Un jour que je me promenais à Leysin, je suis tombé sur un groupe de pongistes qui disputaient un tournoi. Ils étaient empruntés : il leur manquait un joueur au stade des huitièmes de finale. J’ai proposé mes services et à l’embarras général, j’ai gagné le tournoi. Ce n’était pas du tout prévu dans les statuts du club. Bon prince, j’ai échangé le trophée contre une caisse de vin. Tout le monde était gêné !

Vous avez quand même fini par passer votre bac à Saint-Michel ?

Non, non, pas du tout. Mes résultats scolaires étaient vraiment très mauvais. À 16 ans, mes parents m’ont retiré du Collège pour me surveiller de plus près et je me suis retrouvé en première année de gymnase à Neuchâtel.

Et vous avez réussi à Neuchâtel ce que vous aviez raté à Fribourg…

Je vois que vous avez une très haute idée de moi. Hélas, non. Ce fut même pire. J’ai redoublé cette première année et puis j’en ai eu assez !

— Comment cela " assez " ?

À la rentrée du deuxième trimestre, en septembre 1952, j’ai fait mes adieux à la scolarité. Ça s’est passé pendant une leçon de sciences naturelles. J’abhorrais les sciences naturelles. Comme la chimie. Comme un peu tout, d’ailleurs. Pris d’une soudaine inspiration, j’ai réuni mes livres et mes cahiers et j’ai levé la main pour demander à sortir. Ça se faisait assez couramment. Généralement ça signifiait qu’on allait aux toilettes. Le prof était très occupé au tableau noir, une craie à la main, il m’a fait un petit signe de la tête qui voulait dire " allez-y ". J’ai traversé la classe, mes camarades étaient un peu étonnés parce que j’emmenais ma serviette, ce qui n’avait pas de sens. J’ai ouvert la porte et je me le rappellerai toujours. Je l’ai refermée avec un regard panoramique sur la classe. J’ai fait une sorte d’adieux silencieux à mes copains : je savais, de science certaine, que je ne retournerais plus jamais à l’école. Et, de fait, je n’y suis jamais revenu.

— Mais c’est très beau, quelle maîtrise !

Non ! Ne croyez pas ça ! Je ne maîtrisais rien du tout. Un signal, en moi, physique, me disait que j’allais très mal et qu’il fallait que je change de vie.

Alors, qu’avez-vous fait ?

– Je suis resté prostré pendant trois mois. J’étais complètement bloqué, avec une grosse boule d’angoisse à l’estomac. J’avais des accès d’asphyxie, je me précipitais à la fenêtre pour respirer. Je ne dormais plus, je tournais en rond autour d’une table toute la nuit, avec la lumière allumée. La nuit, le noir me terrorisait. Je faisais de la claustrophobie aussi : je n’osais pas prendre un train, je n’osais pas aller au cinéma, à l’église, dans une salle fermée. Ou alors, je me plaçais tout près de la porte, pour pouvoir bondir dehors à la première occasion.

Vous avez vu un médecin, ça se soigne l’angoisse !

Oui, enfin, à petites doses. Cinquante ans plus tard, ça commence à aller ! Non, j’exagère, mais il m’est resté quelque chose. Je suis toujours resté un peu sur la défensive, un peu peureux, anxieux. Quand je prends un train, je suis sur le quai dix minutes avant et j’ai toujours peur de me faire enfermer quelque part. Je n’ai jamais eu une très grande confiance en moi.

Vous ne vous aimez pas ?

Si, je m’adore ! Je me trouve génial ! Je ne sais pas pourquoi, d’ailleurs, mais je suis très content d’être comme je suis. Peut-être, parce que j’ai entraperçu ce que j’aurais pu devenir. À une époque, à 17 ans, j’ai vraiment cru que j’allais finir dans un asile d’aliénés.

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BIBLIOGRAPHIE

 

PROSE

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VARIA
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