Les livres de Jean-Michel Olivier sont disponbles sur Internet: * et aux librairies:
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RENÉ
FEURER : L'EMPIRE DE LA COULEUR |
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© René Feurer (sans titre), 1978. © Fra Angelico, Le Christ aux outrages, Couvent de San Marco, Florence. UVRES ROMANS RÉCITS NOUVELLES ESSAIS POÉSIE ENTRETIEN CONTACT
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LA COULEUR DE L'INDICIBLE, Brigitte KEHRER, La Tribune de Genève, juin 1985. Lhistoire qui va suivre est celle dune rencontre. Entre un peintre dont la réserve à se définir socialement comme tel est effectivement contredite par des expositions et des catalogues Et un littérateur qui, du choc des couleurs rencontrées chez ce peintre, en est venu à travailler des mois sur les théories de la couleur. Le peintre s'appelle René Feurer. L'écrivain Jean-Michel Olivier. Ils se sont servis l'un l'autre pour la compréhension mutuelle de leur travail, de leur art. Perpétuel recommencement René Feurer vient d'exposer à Genève (il récidivera à Paris en septembre) sept immenses tableaux-panneaux parcourus de verts frissonnants, vert bouteille, vert forêt, vert d'eau, vert soleil, délimités par des constructions internes qui échappent toujours, car elles sortent du cadre René Feurer est attaché aux chiffres symboliques Son projet est d'accomplir une uvre idéale et complète de quarante-neuf tableaux. Délaissant la grande série des bruns pour passer aux verts, le peintre s'inscrit, par le temps de son projet, dans une époque et une société. On a parlé d'affinité avec Rothko, Albers, mais le secret qui hante la démarche de René Feurer s'appelle Fra Angelico. Nous y reviendrons. C'est cette uvre idéale poursuivie par le peintre qui assure sa continuité. Parfois il reprend un tableau et le transforme, le rebaigne de couleur, le dessaisit de sa couleur originelle. " Le projet peut prendre toute une vie ou quelques mois, explique René Feurer, ce n'est pas mon souci, je travaille mes toiles comme un paysan, selon les saisons. " Or, c'est bien la technique de René Feurer qui prend du temps. Elle scande la vie de la couleur comme un perpétuel réajustement qui naît de la superposition. En effet, le peintre passe une éponge gorgée d'eau et de couleur pour saturer la toile. Le dessin n'est constitué que par des lignes délimitant les tonalités et des caches qui permettent une variation des couches. Ce geste d'effacement et d'imbibation peut se répéter jusqu'à cinquante ou soixante fois. Par couches superposées. Vers le haut Une des clés, enfouie au cur des toiles de Feurer, a été saisie et développée, répercutée dans le livre de Jean-Michel Olivier. Il appelle la dissertation sur le Christ aux Outrages de Fra Angelico. Fresque du Quattrocento, au couvent de Saint Marc à Florence, elle figure le Christ, drapé de blanc, les yeux bandés assis sur un trône de pierre rouge. Lequel s'appuie sur un fond brun. " Cette composition suggère à la fois un escalier ou une échelle, et un parcours qui doit conduire le pénitent (le spectateur) jusqu'à la plus haute marche. " Le Christ est le sommet de la pyramide, formée par la Vierge à gauche, Saint Dominique (sous les traits de Fra Angelico) à droite, et autour du visage du Christ, les coups multiples portés par des mains et des jets de salive, détachés de tout corps. " Peut-on parler, à propos de cette fresque de Fra Angelico qui semble revenir comme une hantise au point de n'être plus qu'un croquis : l'esquisse d'une charpente d'un rapport de soustraction du peintre à ses modèles ? " demande Jean-Michel Olivier. Ce qui revient de manière récurrente, dans chaque tableau de René Feurer, c'est cette arche, cette lancée vers le haut, qui, cadrée chaque fois différemment, découvre toujours le même lieu, vide, " vierge de toute présence, figure ou forme vivante. " Le livre de Jean-Michel Olivier, paru en 1984, réédité aujourd'hui, n'est pas une tentative de créer, à partir des différentes théories de la couleur (Goethe, Kandinsky ou Itten) appliquées au mystère Feurer (nom déjà traversé par une vraie coulée de lave et de feu) une nouvelle éthique ou esthétique de la couleur. À travers une réflexion personnelle, toute imbibée des textes des autres, superposés et juxtaposés un peu comme les couleurs chez Feurer, il additionne un choix d'informations, dont il laisse la synthèse à autrui Calme absolu Parfois primesautier, parfois très sérieux, ce livre a le mérite de faire comprendre un cheminement intellectuel : il ne livre pas de produit fini. Il glane des idées à travers les couleurs et leur symbolique, leur attribution chaud-froid, masculin-féminin. Mais surtout, il déconstruit le préjugé que la couleur ne sert que de remplissage au dessin. Sensuelles, tactiles, musicales ou spirituelles, les couleurs chantent nos vies comme elles servent de matière première au peintre. Selon Johannes Itten, " le vert absolu est la couleur la plus calme qui soit. Elle n'est le siège d'aucun mouvement. " À nous de juger, si cette définition s'applique aux toiles de Feurer. De fait, l'ouvrage de Jean-Michel Olivier ne prétend nullement " expliquer " la peinture de Feurer. Il ne fait qu'éclairer de ses propres lumières, nourries de lectures et de réflexion, une uvre qui échappe autant au lecteur que l'écriture qui en rend compte. Une belle rencontre qui ouvre toutes grandes les portes du paradis des couleurs.
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