L'histoire d'une force incroyable.
Quatre mois à présent
et, c'est vrai, toujours le même désir, le même désir
de toi et de ta voix, le même plaisir aussi à découvrir
les mots que tu tresses pour moi et qui traversent l'Atlantique, sans rencontrer
d'iceberg, eux, pour parvenir sains et sauf à leur destination. (LUI@..., le 13 février 1998.) |
Est-ce
la distance qui nous rapproche ? ou nos vies curieusement parallèles
(mariage, séparation, solitude volontaire) ? Ou encore l'écriture,
Frida Kahlo, l'amour des chats et des images, Jessie Cook ? (LUI@..., le 5 novembre 1997.)
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(Frida Kahlo.) |
Ce sourire qui me vient à
présent si naturellement au coin des lèvres quand je pence
à cette complicité qui grandit entre nous, like a glow. Ce
que tu me dis de toi est découverte perpétuelle de ta différence
dans une douceur si peu commune. L'écoute aussi, un espace intime
et merveilleux se crée où m'inscrire. Et des résonnances
si perceptibles... comme un appel aux sens. (ELLE@..., 9 novembre 1997.)
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(Attirance, pointe-sèche et aquatinte en noir rehaussée de gouache blanche, Marc Jurt, 1990.) |
J'aime cette idée de te
parler à l'oreille, de chuchoter dans ton sommeil des mots dont tu
n'entends que la musique ou certaines syllabes, à peine formées,
que tu choisiras malgré toi. Inscription silencieuse presque magique,
d'une force qui traverse les mers. Et j'aime aussi l'idée de me pencher
sur toi pour épier ta bouche, embrasser tes mains, respirer tes cheveux
(bref). (LUI@..., le 9 novembre 1997.)
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(Mann auf dem Seil,Quint Buchholz.) |
J'ai l'impression d'une connivence unique, inexplicable, qui, loin de s'évaporer dans la distance (à vrai dire terrifiante), s'affermit chaque jour davantage. Tu me diras encore que j'écris sous l'empire du désir. C'est vrai - et encore plus depuis que j'ai reçu certaines photos... (LUI@..., 16 novembre 1997.)
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Ce désir, quand est-il
né au juste ? au toucher ? au regard ? en parole ? en poème. Ce désir en TOI, est ce que NOUS avons peut-être de plus beau. Tu me l'offres à ton tour quand je te lis, et te lis encore, et encore, cher poète. Je la sens en moi cette coulée d''huile et de chaleur. Ne suis-je pas en train de ME rêver dans tes mots ? Et c'est à l'illusion que je résiste, au possible désiré que je m'abandonne. (ELLE@..., 16 novembre 1997.) Ce désir, c'est d'abord une image : tu es assise dans la pénombre de l'hôtel, le premier soir, et je te trouve très belle - injustement très belle, puisque tu discutes avec V. en toute connivence. Puis c'est la voix, le visage qui s'anime et sourit, un charme qui s'imprime aussitôt (dans mes yeux ? dans ma tête ? sur ma peau ? ). Ensuite, c'est un parfum, un visage qui me parle au milieu de la nuit, un rêve bien doux que j'efface au matin, car enfin je suis là pour les livres (Art is a dirty business, but somebody's got to do it !). Mais le charme est puissant et chaque jour j'ai l'impression qu'il ouvre en moi de nouvelles brèches. Puis vient la promenade sur l'île, incroyable moment d'intimité (pourtant très chaste!) avec ce sentiment de partir pour un lieu inconnu, et dont je ne reviendrais pas. Enfin l'angoisse, après la promenade, et tout le jour suivant, car il faudra quitter Toronto, et TOI, cette impression que quelque chose s'est passé, d'obscur et d'essentiel, dont je ne connais pas encore le sens, mais qui ne se reproduira pas... Entre-temps, il y a eu tes mains, bien sûr, l'odeur de tes cheveux frôlés, la visite chez toi et cette envie (de plus en plus incontrôlable) de te toucher (peut-être doutais-je de ta réalité ?)... Depuis, j'essaye d'écrire ce charme, je regarde tes photos, j'écoute ta voix, je lis tes mots : j'ai l'impression qu'à mesure que je te connais (je fais ta connaissance), tout cela ne fait qu'un. Non MON désir et TOI. Mais justement ta voix, les mots que tu écris et que tu dis, tout le visage que je sens respirer à l'autre bout du fil. Et bien sûr que j'accueille en moi l'inconnue que tu es et qui à chaque instant reçoit une lumière nouvelle, dévoile une autre face de son mystère, me révèle à mes yeux. [...] (LUI@..., le 22 novembre 1997.)
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(The Eternal Idol, Auguste Rodin, 1889.) |
Je compte les jours qui me séparent de TOI (quatorze, bientôt treize) et j'ai une envie folle de t'embrasser, Corine, partout, mais d'abord sur le front, et au delta des jambes (que tu as fort musclées !)... (LUI@..., le 22 novembre 1997.)
| (The Imagination is power over nature, Wallace Stevens.) |
Nous trouverons donc ensemble
l'unique saveur de la femme, celle qui lui est propre au fil des jours.
Heureusement, l'homme a l'expérience et l'écrivain, l'imaginaire.
Il a d'ailleurs parlé dans son voyage en hiver, d'une bouche qui
avait la saveur du « sel, de la tubéreuse et de la mangue ».
Celle de la femme est presque pareille : son sel est algue marine, son suc
est rhizome et le fruit, c'est à nous de le découvrir. Il
est mangue, uniquement dans l'artifice d'une huile, mais en vérité,
il peut être agrume (lime, peut-être), mandarine (dans sa fraîcheur),
kiwi (dans sa sensualité), lychees (dans sa masculinité).
Il est aussi épicé, tempéré, coulé. Tu
me trouveras, toi qui as les mots, le fruit permis en imaginaire. Et moi
je goûterai pour ajuster, si nécessaire, le sens, jusqu'au
jour où ce suc se mêlera librement à l'huile du fruit
d'olivier, à sa langue. (ELLE@..., le 23 novembre 1997.)
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![]() (Carte postale , Italie.) |
Pour te parler vrai, une fois de
plus (car la vérité, n'est-ce pas, est la loi que nous avons librement choisie), je dois dire que cette rencontre si longtemps différée entre nos bouches, nos peaux, nos mains, j'en rêve avec ardeur toutes les nuits, celles où je dors un peu (cela m'arrive de temps en temps), et les autres aussi où je cherche ta bouche dans l'ombre épaisse, j'appelle ton nom, j'aspire ton parfum. Mes nuits sont pleines de toi, et elles ne sont pas toujours sages... (LUI@..., le 26 novembre 1997.)
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![]() (Homme-enfant, Martine Tulet.) |
Le fantasme central, bien sûr,
(LUI@..., le 29 novembre 1997.)ce n'est pas le livre tout seul, mais le livre tenu, serré, palpé par une main de femme. Mon émoi, c'est l'oscillation entre les deux : de la femme à l'écriture et de l'écriture à la femme. Voilà pourquoi tu m'attires doublement...
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![]() (Femme lisant, anonyme, c. 1855.) |
« Il m'accueille en lui
car il sait m'avoir vue, reconnue. Sa force en est devenue irrésistible,
son désir frénétique, presque magique. Il m'offre tout
et davantage comme personne d'autre n'eut jamais l'audace de le faire. Il
m'accueille dans sa parole, il m'entend, il est fou de ma note, son la!
Il dit aussi que c'est la graine d'ouïe qui l'intéresse, non
le rêve uniquement. L'homme est terriblement séduisant, pense-t-elle.
Si je ne lui donne pas le sens qui mène vers moi, il pourrait m'accueillir
n'importe comment, et je lui en demande plus, beaucoup plus. Présenter
à l'homme, la femme (avec de petites lettres) multiple et si particulière
dans sa contingence. - Et si je le décevais malgré tout ? pour être qui je suis si simplement ? lui qui a tout. » (ELLE@..., novembre 1997.)
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![]() (Billie Holiday,William P. Gottlieb, 1948.) |
J'ai découvert une femme que j'attendais,
mais qui m'a constamment surpris, de nuit comme de jour, d'ailleurs
: la douceur de ta peau et ta bouche (ô combien de baisers !),
tes cheveux enfin déployé à l'adorable rousseur,
tes mains aussi, dont j'aime la force et la sérénité,
et le dessin de tes épaules, qui m'emplissent de désir
(tu as dû t'en apercevoir), et tes yeux, avec ou sans lunettes
(j'avoue que les tiennes te vont particulièrement bien).
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Beaucoup de perspectives heureuses,
de projets, de désirs qui ne demandent qu'à se réaliser,
d'écriture et d'amour avec toi, puisque désormais les deux
choses ne font qu'une (si j'ose dire), les mots d'amour s'exprimant à
distance, et à travers l'amour des mots, comme les corps, les souffles
et les regards, les gestes inscrits dans la langue du désir. (LUI@..., le 11 janvier 1998.)
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![]() (Relief en bronze, Allemagne, c. 1880) |
C'est le soir, sur Genève,
un crépuscule mauve et noir magnifique. Tu me manques, mon amour.
(LUI@..., le 12 janvier 1998.)
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![]() (Sculpture en ivoire, XIXe.) |
Me reste une image de toi, très
forte, à contre-jour, tandis que tu t'habilles devant la fenêtre,
tu es nue, bien sûr, et je regarde ton dos, depuis le lit où
je suis encore couché, tes cheveux sont défaits, tache fauve
sur le blanc de la peau, et tu demeures ainsi, quelques secondes, à
regarder par la fenêtre, dans le silence de la chambre d'amour.
J'essaye toujours de retenir cette image le plus longtemps possible, ou d'en chercher une autre qui lui ressemble, mais je crois bien qu'elle est unique (nous n'avons pas eu le temps d'en prendre plusieurs), et je la garde en moi, comme une lumière douce et vivante, qui m'accompagne à travers mes journées. Je t'aime aussi, et vraiment. (LUI@..., le 13 janvier 1998.)
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![]() (Couple, Anonyme, Angleterre.) |
Je pense à toi à
Toronto, à toi à Toronto et à Genève, c'est
la même silhouette qui surgit du soleil, le ciel immaculé
au-dessus du Sky-dome ou les brumes fumantes de l'île Rousseau,
c'est la même silhouette qui s'avance et me parle, du bout des lèvres,
ou trace dans la lumière des signes avec sa main, et c'est la même
encore que j'embrasse, à travers la distance, et qui veille sur
mon sommeil, tandis que moi aussi je protège ses rêves. (LUI@..., le 15 janvier 1998.)
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Réveil au parfum de verveine
: cheveux, bouche, mains, paupières, salive et larmes de verveine odorante. Malgré l'espace (ou peut-être grâce à lui) nos rêves franchissent les océans, se frôlent, se touchent dans les eaux du sommeil : coïncidence stupéfiante! Oh le philtre d'amour que l 'on boit à distance. (LUI@..., le 17 janvier 1998.)
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![]() (Arche, Michael Sowa) |
Souvent, je rêve que tu
es là, d'un silence partagé dans l'amour, et de deux corps
amoureux du silence, je rêve d'une présence nue et souriante,
le silence d'un baiser, peut-être, qui ne cesserait pas. Je t'aime, love, et pense à toi à chaque instant. (LUI@..., le 27 janvier 1998.)
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![]() ([Anonyme], 1966) |
Les fruits que nous allons goûter seront complets et sans pareils, (Core-in, murmure l'analyste amoureux!) et je languis d'y goûter bientôt. Dans le réel aussi, après l'imaginaire, le virtuel et le courrier électronique. (LUI@..., le 28 janvier 1998.)
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![]() (Cunnilingus, [Anonyme]) |
Je t'embrasse partout, amour,
dans le cou, sur ta bouche et tes seins et ailleurs (car il me reste encore
beaucoup de toi à découvrir). (LUI@..., le 31 janvier 1998.)
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![]() (Kylix attique à figures noires, terre cuite, Corinthe, vers 570-560 av. J.-C.) |
Ce soir, j'ai une réunion
de profs, alors j'abrège, mais une petite voix continue à t'écrire, une voix de tête et une voix de corps. Quand la première se réjouit de te parler, la seconde (la diablesse!) est impatiente de tracer sur TON corps des signes à l'encre blanche qu'il nous faudra déchiffrer. (LUI@..., le 2 février 1998.)
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![]() (Amants, sculpture en ivoire, XIXe.) |
Il y a des nuits où tu
manques beaucoup, ton corps à l'abandon et tes cheveux, d'autant
plus qu'à présent je pourrai l'explorer intimement, sans
limite et sans restriction, le dévorer à toute heure du
jour et de la nuit, selon mon bon plair et le tien. (LUI@..., le 6 février 1998.)
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![]() (Couple érotique, statuette en faïence vert-bleu, empire romain, Ier siècle ap. J.C.) |
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